mardi 30 janvier 2018

"Negotiation":sur la route de soi, négocier un virage sans se freiner !


S’ils ont pour sol commun l’Asie, leurs cultures et approches du mouvement ne sont pas les mêmes. Danses urbaines et recherches sur la tradition pour Olé Khamchanla, un délicat déplacement vers la création contemporaine pour Pichet Klunchun danseur traditionnel. 
« Les envies de créer émergent souvent au cours de rencontres, de manques, de frustrations, ou de bonheur » déclarait déjà Olé Khamchanla lors de son premier solo Kham devenu le nom de sa compagnie. Depuis, toujours au croisement des routes de soi, l’artiste laotien arrivé en France dès la petite enfance, poursuit sa quête des origines. Creusant dans la mémoire des gestes, il dialogue avec d’autres danses et cultures. Dans Negotiation, avec Pichet Klunchun, maître de Khon, danse traditionnelle de masque en Thaïlande, chacun déploie son propre espace, vaste, dense et intériorisé. Le corps ancré au sol, à pas glissants parfois, torses et bras esquissant vrilles et autres arborescences légères ou puissantes, leurs présences se fait rencontre."



Ils sont  siamois, mêlés, reliés par des pulsations sonores, comme un tronc commun, un édifice humain qui pulse à l'unisson. Même tenue, nus pieds, de gris et de noir. L'un a une longue chevelure , l'autre un crâne de moine  Les allures, postures et attitudes vont lentement diverger, ils se séparent, jumeaux en miroir. Les douches de lumières, après les fondus au noir les révèlent peu à peu dans un duo de solitaire.
De même gabarit, ils vont se différencier, l'un tendu et ramassé avec force sur lui-même, l'autre fluide, gracieux, parcouru de gestes lumineux, comme une danse "serpentine", libre, évanescente au bout des doigts.
Reptations, secousses les animent tour à tour, sautillés, soubresauts puis mécanisme régulier: les rôles s'inversent, les singularités se gomment, s'effacent au profit d'une gestuelle commune. Chacun regagne son altérité, sa singularité, reprend ses droits, ses marques et trace dans l'espace volutes, spirales enroulées...
Entrelacs, mets tissés de trame et de chaines, à déguster comme une cuisine exotique aux fragrances inconnues...
La force de l'un, Pichet Klunchun, se dégage de son corps guerrier en un combat singulier avec lui-même.Moine concentré à la gestuelle dosée et précise. Ses doigts comme des papillons versatiles, pulsatiles, vibrent dans la lumière, sans périr, animés de tremblements singuliers. La fluidité de Olé Khamchanla est subtile et sourd de ses bras longilignes, vaporeux, graciles.La musique de Léo Jourdain galvanise et porte les corps dans des transports radieux.
La confrontation se fait grâce et rencontre, échange, mimétisme et la passation de l'un à l'autre fonctionne comme un va et vient étrange et naturel.La fusion des gestes, comme une passation naturelle opère et sème le trouble: qui de l'un est l'héritier du hip-hop, qui de l'autre est le détenteur des codes savants d'une danse très structurée? Au delà de la virtuosité inhérente à chacune de ses danses, c'est sur la trace dansée de leurs écritures que se penchent nos deux interprètes, poreux, perméables au langage de l'autre. Vase communicants, réceptacles de phrasés et enluminures savants, passeurs de beauté, de souplesse, de gravité. 
Dans les entrelacs de la danse se glisse une familiarité, une complicité étroite, respectueuse, considérant l'autre comme son semblable avec toutes ses différences. Pour ne jamais gommer l'essentiel, l'essence de l'être, sans oublier l'être ensemble pour autant.

A Pole Sud les 30 et 31 Janvier 

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