samedi 7 octobre 2017

"Jeunes talents, académie de composition" à Musica, opus N° Deux! La boutique fantasque du son !

Dernière ligne droite pour ce carrefour international, académie "ressource" de jeunes talents émergents.
Et en prime, le privilège de pouvoir relire et retoucher sa copie, le compositeur étant ici considéré comme son "premier critique"! Des partitions "ré-écrites" in extremis, à livrer aux interprètes, jouant le jeu périlleux des retouches et réajustements sur mesure: de la haute couture pour ces "camarades" en bonne compagnie! (cum panis: partager le pain)
Second et dernier concert donc,  consacré aux jeunes compositeurs ayant étudié, deux semaines durant, auprès de Philippe Hurel et Daniel D’Adamo dans le cadre de l’Académie de composition Philippe Manoury – Festival Musica. L’ensemble L’Instant Donné, invité à Musica en 2015 pour un concert très original mêlant musique et jonglage, y crée cinq nouveaux quintettes pour clarinette, violon, violoncelle, percussions et piano
Le duo d'enseignants, ceux qui "inter-ligere" le tout pour ouvrir le bal et rappeler la règle du jeu...La preuve ici par 10 minutes, format pourtant non imposé!
"Feigned transcucency of wavering bodies" de Danniel Ribeiro s'ouvre avec des frottis, des souffles, des sons étranges, d'objets, matières et instruments exploités pour leur texture et facture résonante. Une expérimentation ludique et et savante, crée des bruitages en catalogue raisonné, exhaustif tant il semble riche réfléchi. Des gargarismes pour la clarinette, des sons effleurés de percussions étonnants, des "ratures" et crissements pour les cordes. Tous les sens de l'écoute et du regard sont sollicités et convoqués. Comme un petit peuple de zombies monstrueux qui balbutient, hésitent, testent leur entourage et l'univers des sons.Avec gourmandise et audace, désir et satisfaction Comme dans une maison hantée, parcourue par des bruits non identifiés mais bien présents, inquiétants!Ambiance garantie et bien campée, suspens, humour des situations cocasses vécues physiquement par les musiciens, engagés de tout leur corps dans l'édification de cette architecture sonore fragile et subtile. Pouponnière et neurcerie qui pépie, anone pour ces sons qui naissent grandissent, croissent et se multiplient, s'essayent, puis se risquent dans le vaste monde.Plus d'audaces encore après ces premiers pas: ça tient debout comme un bel édifice musical qui s'affirme: du papier plissé, quelques cordes du piano pincées pour réanimer au final tous ces fantômes, spectres, habitants de cette composition inspirée.

""Pulse of Life" de Chih-Lang Lin démarre par les sons du piano martelé, les instruments "maltraités", explorés, disséqués, leçon d'anatomie comparée pour toutes matières et formes , dans leurs entrailles. En sourdent des sons singuliers, hétéroclites, éclectiques, comme ceux d'un piano griffé au peigne fin .Des bruitages en chorus pour un joyeux bazar.Un solo de percussions, virtuose, des mugissements de clarinette, un râle de violon: c'est la vie organique des instruments qui pulsent, palpitent...Un retour rapide à un usage plus orthodoxe et sage nous révèle toute l'audace de l'exécution précédente! Une petite cuisine savante avec ingrédients sonores inouïs, le tout très gestuel: un verre caressé, un bol frôlé en spirale toujours. Un archet sur du polystyrène: une vraie boite à joujou remplis d'objets rares non identifiés, un attirail diabolique, panoplie de son, garde-robe pour musique incongrue et innovante!

"Introduction et diapo" de Mael Bailly succède, pour "regarder" la musique, ses sources, les origines des sons
Le percussionniste s'installe au piano, décortique l'exo-squelette intra muros de l'animal-instrument: ça gratte, ça chatouille les oreilles: ici, on invente et touille le son, le "sot l'y laisse", l'Arlequin et la "Ratatouille", les meilleures recettes du hasard et de l'inventivité s'y font plat de résistance goûteux.Du calme et de la volupté, une musique de boudoir intimiste, des petites touches de tout, en vrai touche à tout! Très inspiré par la mémoire et le passé, nostalgique, la pièce est émouvante, sensible.Chacun y respecte l'intervention de l'autre dans un univers feutré, discret, mystérieux: une boutique fantasque d'objets sonores, un magasin de curiosités inédit.

"Widerklang" de Selim Goncu commence par un grand vacarme ébouriffant, fatras et désordre à l'appui. Pour engendrer un calme, repos alangui salvateur. La reprise du tumulte assourdissant rebondit, tonique, dynamique.Le piano résonnant d'applications des doigts, juste sur ses touches. Comme l'avancée d'une machinerie sonore inéluctable, en sons épatants, burlesques, en marche et très "gestuels",une vraie BD, avec des icônes pour engendre des paysages sonores foudroyants.

"Parallel Lives" de Alberto Carretero termine ce concert inégalé par l'exploration des instruments, comme objets
premiers de fabrique du son.C'est un tuyau autour du cou qu’apparaît le percussionniste: c'est tout dire de cet orfèvre, bijoutier du frisson, orpailleur de sons avec cette parure de gala!
Un vrai cabinet de curiosités sonores pour sons polissons, frissons, émotions.
Joyeux mélange, mixture triturée avec des alliances, successions de traitements des masses sonores d'après les matériaux instrumentaux.Les sources ne se distinguent plus, dans une belle confusion: instruments clownesques de percussions à l'appui!
 Dans une inventivité extrême, subtile, tout est pré-texte pour des choix judicieux de provenance des sons. Piano et percussions en t^te de gondole. Foire fouille débonnaire des tonalités, inventaire et exposition, monstration du son comme credo, c'est une mise en scène très visuelle qui offre pluie de graines qui éclatent au soleil en épilogue!

Un lauréat pour cette Académie 2017: Antonio Tules avec son "Temps libre" qui sera bien rempli et occupé ces prochains temps!


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