dimanche 30 avril 2017

Morton Feldman: "For Bunita Marcus"! Un bain de jouvence...

"L'imaginaire" fait de petits miracles: avec ce Concert 2 elle continue son défrichage de l'univers de la musique d'aujourd'hui et de ses racines, de son répertoire aussi! Il en va de cette  saison 2016-17 ,dédiée aux musiques qui présentent un rapport plastique avec le temps, des objets qui dépassent l’idée habituelle de pièce de musique. Il s’agit d’oeuvres musicales qui occupent un temps qui est similaire à celui de l’installation sonore : ’INSTALLATION CONCERT’.

Le deuxième concert de la saison est dédié à une oeuvre monumentale de Morton Feldman, For Bunita Marcus. Ce concert est une occasion spéciale pour écouter une oeuvre unique dans son genre. Au programme donc de ce samedi en fin d'après midi dans la belle salle toute blanche et lumineuse du "Faubourg 12", "white cube" par excellence, les sonorités douces, tactiles, par petites touches répétitives, d'un morceau de choix de plus d'une heure.
Il s'installe au piano, concentré, silencieux, respectueux: Maxime Springer, solide interprète agguéri, féru des musiques d’aujourd’hui, excelle dans le doigté, la précision et la mesure du temps, suspendu, etiré, trituré par le compositeur, comme matériau premier. Des séquences qui vont et viennent, se répètent, entraînant une sorte de litanie méditative, hypnotique, très "zen attitude" qui plonge dans les abysses de la rêverie, du repos, de l'abandon
L'auditeur est embarqué dans un long voyage sonore, ponctué de silences, d'un phrasé énigmatique qui engendre suspens et surprises.Les notes s’égrènent, se répandent, s'éparpillent, légères, scintillantes. Épure, dépouillement, sobriété, volatilité des sons épars.
Vibrations qui se répandent comme un corps sur le sol, qui fondent et se répercutent aux tympans.La virtuosité du musicien c'est ce respect de la lenteur, du déroulé progressif des sequences qui s'enchainent comme autant d'entrelacs, de ricochets dans un monde flottant, dans l'air, dans l'eau.
Les timbres opaques se dissolvent et résonnent, longuement, calmement
L'instrument trône, seul dans la salle blanche, les auditeurs en cercle, dans des relax ou sur des chaises. Installation idéale pour se baigner, tremper tous ses sens en éveil dans un bain musical, fragile, ténu, empli de méditation, de spirituel, de contemplation!

Morton Feldman, For Bunita Marcus, pour piano solo

Au Fbg 12, ce samedi 29 AVRIL à STRASBOURG

Piano, Maxime Springer

Ce 29 avril  l'imaginaire proposait encore une fois une expérience extraordinaire et rare. Combien de fois avez-vous écouté en concert "For Bunita Marcus" de Morton Feldman? Combien de fois cette pièce a été jouée près de chez vous? Alors!!??!
C'est un événement très rare: Maxime Springer l' a joué Au Faubour 12, à 18h30, et on a pas raté ça!



"Médée matériau": sidérante Médée !


"Médée-Matériau est une pièce du célèbre dramaturge allemand Heiner Müller (1929-1995). Pour aider Jason à s’emparer de la Toison d’or, Médée a tué son frère, trahi sa famille et son peuple. Exilée en Grèce, rejetée par Jason, elle commet dans la légende un acte de vengeance effroyable en tuant ses enfants. Mais pour Anatoli Vassiliev, grand maître de théâtre russe, il ne s’agit pas là d’un meurtre mais d’un rituel magique qu’accomplit l’héroïne en quête de sa résurrection. Ce spectacle, créé en 2002, cristallise le travail de laboratoire dans lequel Valérie Dréville s’est plongée durant de nombreux séjours à Moscou. C’est une nouvelle version qu’Anatoli Vassiliev crée cette saison au TNS. 

Anatoli Vassiliev est un metteur en scène russe dont le travail est internationalement reconnu. Il est également le fondateur du théâtre École d’art dramatique de Moscou, laboratoire d’expérimentation théâtrale. Il vient de créer en 2016 à la Comédie-Française La Musica, La Musica deuxième (1965-1985) de Marguerite Duras. "
Plateau nu, cintres évidés, carcasse du théâtre à vif dans cet écrin dépouillé, un écran sur lequel va défiler le texte de "Médéamatérial" de Heiner Muller: on le lit, attentif et concentré dans le silence; personne sur la scène, exceptés deux petits personnages de chiffon assis en bord de plateau, marionnettes, observatrices, muettes....Elle apparaît, robe style Mondrian ou Yves Saint Laurent, dessing carré sur fond de couleurs...Elle s'asseoir, hésite puis s'installe sur ce trône qu'elle ne quittera pas plus d'une heure durant et commence le monologue fatidique!
Récitante, anone le texte par bribes, comme un sprechgesang sans mélodie, elle hoquette, vocifère, éructe, se calme...Belle, majestueuse, impressionnante Médée dont le metteur en scène va faire sa matière, sa pâte à modeler le mot, le verbe, la syntaxe hors de ses gongs et loin du sens! Percussions vocales, silences, longues phrases envoûtantes. Un jeu d'acteur façonné par l'apprentissage, la répétition et l'appropriation des méthodes Stanislavski et Vassiliev: une performance de Valérie Dréville, passionnée par ce personnage, ce metteur en images vivantes. Médée se dévoile, se dévêtit, nue à demi puis intégralement, se couvre d'onguents, de couleurs tandis qu'autour d'elle le paysage marin change; une vidéo occupe tout le fond de scène. Paysage de mer, d'oiseaux, de poissons immergés, paysages lointains, rêveurs et onirique pour mieux créer flux et reflux du texte, du chant des mots arrachés à la bouche de cette "pythie" Médée, sauvage, domptée pour l'heure sur son trône figé...Pouvoir et menace, fragilité aussi pour cette héroïne prise par son destin inéluctable et fatal. Monstre et merveille de présence, de concentration, seule face à nous spectateurs pris dans le jeu, dans le dispositif scénique de proximité."La formation de l'acteur" humble et dévoué interprète, libre et contraint à la fois, sur la voix de la fabrique du langage, par le corps, ici, celui de Valérie Dréville, solide et sculpturale femme libre, maculée de boue et de couleurs, debout, manipulant in fine ces deux petites marionnettes à fil...Comme conduisant les rênes d'un traîneau de douleurs ou de désespoir.Performance qui laisse pantois quand on la quitte pour "la fin" annoncée du spectacle; elle reste sur scène jusqu'au dernier qui va la quitter du regard, fasciné par cette "bête de scène" sublime comédienne.Du "matériau" riche et pas toujours docile dans les mains du sculpteur d'espaces.

Au TNS jusqu'au 14 MAI

samedi 29 avril 2017

"Soeurs" de Wajdi Mouawad: Thésée vous ! Langues pendues.....


Au volant de sa voiture, Geneviève Bergeron pleure en écoutant la voix sublime d’une célèbre diva québécoise. Elle voit défiler ses manques. Sa jeunesse est passée. Elle le comprend mais ne sait pas encore combien sa coupe est pleine. 
Séquence suivante. Cheveux en bataille et parka fourrée, Layla, experte en sinistres mandatée d’urgence, débarque. Même âge et même besace pleine que Geneviève. Au bout du portable : son père, Libanais exilé, qui se plaint. 



Annick Bergeron, seule actrice sur scène, incarne superbement ces deux femmes et leur trajectoire parallèle : l’expérience de la privation de la langue d’origine et de l’exil. 
Elle tient la scène Annick Bergeron comme nulle autre! Et toujours de chair et de souffle mais aussi "virtuelle" quand elle apparat, disparaît par le truchement d'une scénographie plastique très subtile: images et réalité s'y entremêlent, chant polyphonique du théâtre et de la voix!
Car elle en a de la voix, celle qu'on prendrait de premier abord pour une chanteuse de variété québécoise en tournée!Femme solide, forte, la cinquantaine, avocate de métier, venue animée un stage pour "médiateurs" internationaux dans les grands conflits mondiaux! Tout un programme humanitaire qui la conduira jusqu'au Mali, mission qui sera entravée par de multiples péripéties. Dont une nuit passée dans un palace insipide, suite numérotée interactive mais rétive à la langue française. Ce sont les mots qui ici gouvernent tout, la langue maternelle qui se meurt étouffée au pays de l'exil... La langue, perdue, pendue qui ne tournera pas sept fois ni ne sera langue de vipère ou de belle mère! La langue de Thésée et d'Ariane pour mieux retrouver son chemin comme métaphore des discours professionnels de notre médiatrice internationale interlocutrice !Le langage du cœur aussi qui se révèle quand Geneviève Bergeron disparaît pour faire place à l'inspectrice des désastres domestiques engendrés par la crise de notre avocate, acculée au désespoir. Dévastation, décombres de chambre, métaphore des ruines et guerres au Liban: le pays qui hante notre exilé, metteur en scène, Wajdi Mouawad.Au pays des bizons, ceux qui fendent le vent pour débroussailler en "aîné" la vie devant soi !
Cette femme attachante, déroutante ces deux femmes tant humaines, branchées aussi par les médias et technologies nouvelles qui les lie au monde contemporain:téléphone, tv, robots qui dicte comportement, finances et autres formes de vie quotidienne virtualisée.
Solitudes pas désespérées puisqu'elle délivreront dans le "bleu du ciel marin" l'espoir d'un jour meilleur où l'on aura balayer souvenirs et valises trop lourdes du passé pas encore effacé.
De beaux dialogues téléphoniques, des décors qui bougent, animés par le flux des mots en vidéo, suspendus sur la toile de fond ou qui défilent...Décors virtuels où l'on fait passe muraille de l'autre côté du miroir pour mieux rêver de fantômes, d'ectoplasmes bien présents!
Et une comédienne hors pair, tout gond dehors pour mieux inviter à la rencontre, le heurt, la réflexion.
Jubilatoires ces instants de détachement, d'humour de distanciation: la catastrophe est imminente, le désastre aussi mais on se relève quand on a touché le fond: le palais de la langue maternelle, refoulée, piétinée, oubliée refait surface et le "voile " de ce palais lingual se déchire et le son, le langage est dans "le pli" !

Au Maillon jusqu'au 29 AVRIL


"Seuls" de Wadji Mouawad : entrelacs polymorphes, anthropomorphiques !


C’est l’hiver, la neige emporte tout, et nous sommes dans l’appartement de Harwan, étudiant libanais installé à Montréal, qui n’en finit pas de conclure sa thèse sur Robert Lepage, monstre sacré du théâtre canadien. Lorsque son père tombe dans le coma, tout bascule. À son chevet, Harwan parle comme jamais, se souvient de Beyrouth, des couleurs, des étoiles filantes, des bombes aussi.
Décor sobre, une chambre d'étudiant, un homme au centre en slip noir dans toute son intimité va se dévoiler, se laisser prendre par nos regards, nos oreilles, tous nos sens en éveil
C'est par l'image et le verbe qu'il va conquérir l'espace visuel, sonore et sémantique du plateau. Tantôt tel un intélectuel chevroné, tantôt comme un gamin qui retourne aux sources de son enfance et des bruits de son pays Partout et nulle part, cette histoire autobiographique s'adresse à tous et touche, droit au but
Pas de détour, si ce n'est quelques images virtuelles pour brouiller les pistes: des fantômes, ectoplasmes de la mémoire, son double aussi qui le cerne en ombre chinoise.
Quand advient la scène du comas du père où il dialogue avec l'absent, bien "présent" malgré tout, on bascule dans un comique distancé, fragile et très pudique. Ce père à qui il confie moultes secrets et anecdotes, avec qui il joue et se joue des embûches du présent. Le "retour du fils prodigue" de Rembrandt, le hante et anime l'inspiration de ce "spectacle de théâtre" protéiforme, "polyphonique" au dire de Charlotte  Farcet, dramaturge.
L'acteur est tout simplement envoûtant, magnétique et conduit sa barque deux heures durant dans un flux de mots, de phrases, de lumières, dans un décor changeant qui va jusqu'au bout de son propos: un immense chantier multicolore, maculé de peinture et autres matières à se fondre et se répandre. Son corps peinturluré, se métamorphose et l'acteur de se reproduire sur les murs comme les empreintes d'Yves Klein, mais en rouge! Anthropométries des nouveaux réalistes, figures graphiques et plastiques comme figées par le temps: empreintes du vivant, du vécu. On en ressort essoré mais grandi, chamboulé mais construit toujours.
Wajdi Mouawad, en fils "prodige" de retour pour un solo, pas tout seul !

Au Maillon jusqu'au 29 AVRIL

jeudi 27 avril 2017

Maida Chavak: la danse ne peuplier au Kavakistan !




"Le froid augmente avec la clarté": de la cave au grenier!


"Le froid augmente avec la clarté est un spectacle librement inspiré des deux premiers romans autobiographiques de Thomas Bernhard (1931-1989) : L’Origine et La Cave, qui racontent son adolescence à Salzbourg, sa vision de la guerre, celle du collège − dont la direction passe brutalement du national-socialisme au catholicisme −, sa fuite du lycée pour aller « dans le sens opposé », son épanouissement comme apprenti dans une cave d’une banlieue surnommée « l’enfer ». Ce qui passionne Claude Duparfait, c’est la prose incandescente de Bernhard, ses débordements et sa pulsion de vie ; cette lumineuse rébellion de l’esprit, nécessaire à faire entendre aujourd’hui."
Il est seul assis au pupitre d'une table d'écolier: ce sera le "récitant", Claude Duparfait le témoin des vies multiples de Thomas Bernhard, ici incarnées, on le devine peu à peu par quatre comédiens: aux ages de la vie qui avance! Dans le décor structuré d'un dais de métal qui va peu à peu s'ouvrir et découvrir des issues salvatrices à ce sombre univers clos, un toit , des parois qui s'entrouvrent, les cinq personnages se distribuent la parole, le temps de courts monologues.
La solitude du jeune homme, encastré dans son armoire à chaussures, huit-clos qui l'oppresse et le mènera au suicide est quasi fatale; l'humanité débordante du vieil homme, le grand-père à la fin de la course de la vie, est convaincante et belle.(?) Thierry Bosc est sobre, sans sur-jeu pour ce rôle clef de voûte de cette humanité en effervescence. Les deux femmes, deux facettes de Thomas Bernhard y incarnent tendresse et fermeté, vindicte et mauvais sort: l'une plus jeune et lumineuse,  Pauline Lorillard, l'autre massive, frontale et guerrière, Annie Mercier, plantureuse structure charpentée pour affronter les côtés sombres, les aspects inéluctablement noirs de cette adaptation.
La musique vient ponctuer, ces saynètes anonymes, ces fragments de vie autrichiennes que parfois la langue allemande écorche: on aurait souhaité plus de fluidité , d'aisance dans la langue de Goethe qui fait des clins d’œil à la traduction des textes d'origine. Mais nul n'est Duparfait et personne n'est dupe: ce "Le froid augmente avec la clarté" demeure limpide et accessible, vecteur de rêve autant que de cauchemars et l'on en ressort "ému", troublé, secoué comme la période politique qu'il évoque", pleine de paradoxes, d'erreurs, de dérapages
La clarté finale s'échappe de cet univers à claire voie qui laisse filtrer l'espoir mais ne néglige pas non plus la fatale réalité: le temps passe mais n’efface pas ses plaies et blessures dont la jeune héroïne fera les frais: maculée du sang de ses pairs, elle parvient à peine à remonter une pente que Thomas Bernhard lui-même ne saura franchir: le destin est en route!




Claude Duparfait est comédien et metteur en scène. Il a fait partie de la troupe du TNS de 2001 à 2005, sous la direction de Stéphane Braunschweig, et le public strasbourgeois a pu le voir dernièrement dans Le Canard sauvage de Henrik Ibsen et Les Géants de la montagne de Luigi Pirandello. En 2013, Célie Pauthe et lui avaient présenté au TNS Des arbres à abattre de Thomas Bernhard. En 2016, il a écrit et mis en scène avec Célie Pauthe La Fonction Ravel. 

Au TNS jusqu'au 12 MAI

mercredi 26 avril 2017

"Joseph Kids":Sciarroni tuti ! Démons et merveilles !


Que c'est beau la multiplicité, la diversité, la mixité dans le miroir !
Kaléidoscope à la Nikolais ou Decouflé à travers lequel on observe, traque l'image de soi-même à la recherche d'un paradis des formes et des couleurs, duplication d'une réalité virtuelle impalpable.C'est un ballet d'images qui se dévorent, s'absorbent, transformistes, hybrides en diable.
Magicien en direct de la webcam, Sciarroni se positionne comme champion en pole position des formes incroyables, inouïes, inédites. Tel un Pierrick Sorin de la danse il se métamorphose en autant de bestioles, monstres et autres créatures invraisemblables, surdimentionnées à l'envi. En direct, la prestidigitation façon technologies nouvelles opère et à la fabrique des images torturées, torsions et volutes à l'appui, on sourit, on s'émerveille§
Du jamais vu, du sublime, clins d’œil à Mélies, Tati ou autres personnages burlesques de référence, le spectacle fouille les univers musicaux de Bjorg, Moricone ou Bowie pour épouser leurs tempo et rythmes: l'éventail en origami pour David sied à merveille à l'univers du chanteur éparpillé dans ses plis et replis, le suspens pour Moricone et ces formes tarabiscotées comme au Musée Grévin, nouvelle formule
Quand internet et la toile remplace le miroir déformant.
Les enfants enchantés dans la salle , médusés par toute cette écurie de personnages changeants, fascinants éclatent de rires cristallins et spontanés....La joie des arts plastiques, de l'imagination fertile de Sciarroni sont contagieuses et l'on sort de la salle séduit et enthousiaste. Ça fait un bien fou !




"Seul sur scène face à sa webcam, un mystérieux personnage gigote, saute, gesticule. Joseph a choisi de s’exprimer par la danse. Son image surdimensionnée est projetée sur scène face au public. Il joue avec son reflet et le manipule, donnant vie à une multitude de formes physiques. Joseph Kids dialogue via « Skype » avec un complice à l’autre bout du monde. L’artiste performe en direct une série de portraits en six séquences musicales. Résolu à jouer la carte de l’interaction Homme-Machine, Alessandro Sciarroni ne porte pas de jugement. Il suggère au contraire que cette relation est synonyme de créativité. L’outil informatique et les échanges virtuels peuvent-ils aider à se construire en tant qu’individu ? Conscient de la solitude que connaît l’internaute, l’artiste italien tente de dédramatiser cette forme de dépendance. Chacun, selon sa culture et son âge peut s’approprier et savourer l’humour de Joseph Kids.
À l’adresse du jeune public, ce spectacle est issu de son tout premier solo Joseph. Alessandro Sciarroni est chorégraphe et metteur en scène. Il travaille dans le champ des arts performatifs. Ses recherches mêlent différents langages dont le théâtre et les arts visuels."
Au TJP Strasbourg jusqu'au 26 AVRIL 
CHORÉGRAPHIE ALESSANDRO SCIARRONI / AVEC MICHELE DI STEFANO & MARCO D’AGOSTIN / CONSULTANT DRAMATURGIE ANTONIO RINALDI / DÉVELOPPEMENT & DIFFUSION LISA GILARDINO

dimanche 9 avril 2017

Chronophotographie danse !




Laissez vous guider !


Jaunes, roses, bleues...Degas colriste !




vendredi 7 avril 2017

Mondot et merveilles! "Le mouvement de l'air" est frais! et effraye !



Après « Convergence 1.0, » Adrien Mondot revient en compagnie de Claire Bardenne au Maillon avec «Le mouvement de l'air": Il y construisait des paysages qui évoluent en fonction de l'interaction des corps avec les objets en mouvement. Lignes, points, lettres, objets numériques projetés tissent des espaces poétiques en 3D, explorés par une danseuse espiègle et un jongleur d'objets virtuels. 
Initialement chercheur en informatique, artiste pluridisciplinaire, Adrien Mondot travaille au point d'intersection de l'art du jonglage et de l'innovation informatique



Univers onirique en suspension, les corps voltigent, s'affranchissent de la pesanteur, elastonautes à la poursuite d'images animées dans un ballet aérien, derviches tourneurs épris de vertige, homme suspendu, tête bêche comme une pièce de boucher dans des lueurs rougeoyantes. On vit un rêve comme une fugue qui vous ravit et capture le temps de la représentation.
Courses folles contre la fuite du temps et des icônes éphémères qui bougent sans cesse:La création numérique est générée et animée en temps réel. La musique orignale est également intérprétée en direct, sur scène.Volutes de fumées éparses en torsade blanches, tornades légères et féeriques .On est proche de la Machine à fumée d'Etienne Jules Marey, permettant d’observer l’écoulement d’un fluide rencontrant un obstacle.


La compagnie Adrien M & Claire B crée des formes allant du spectacle aux installations dans le champ des arts numériques et des arts vivants. Elle est co-dirigée par Claire Bardainne et Adrien Mondot. Leur démarche place l’humain au centre des enjeux technologiques, et le corps au coeur des images, avec comme spécificité le développement sur-mesure de ses outils informatiques. Ils poursuivent la recherche d’un numérique vivant: mobile, artisanal, éphémère et sensible.
Alors ces "mouvements de l'air" sont autant de magie, de prestidigitation que d'effets numériques et de technologies nouvelles! Comme une fourmilière animée, le spectacle débute dans une agitation de molécules, particules qui s'accélèrent, ondulent comme une végétation aquatique En noir et blanc, images et danseurs se rejoignent, parachutés dans ce monde versatile où tout frétille sans cesse, à l'affût d'une proie: un élastonaute qui se joue d'un immense filet comme un appât tentant, mais jamais pris au piège. Une femme qui se love à terre et répond aux sollicitations de volutes tourbillonnantes.
Des particules de neige ascendante comme une voie lactée: les images défilent, se tricotent à l'envi selon les envergures des mouvements, des déplacements vifs et furtifs de ces trois circassiens en diable.
De danse, point vraiment, mais une architecture d'évolutions spatiales initiée par la fulgurance , la vitesse des effractions, des entailles dans ce décor mouvant, ce sol qui se dérobe, ces murs qui se transforment en plafond de chapelle Sixtine, comme un tableau vivant.
Et puis ces drapés qui flottent tel le lys de Loie Fuller, ces torsades à la Tony Cragg, cette plasticité virtuelle qui séduit l’œil, flatte l'esthétique frénétique de ce spectacle alléchant!
Une atmosphère de ciel d'été sur fond de chants de grillon, et la nuit s'entrouvre sur un duo sans artifice, sobre, bien "mouvementé.Déjà dans "XYZT, les paysages abstraits" la collaboration de Adrien Mondot et Claire Bardainne semblait au zénith. Nénni, ici,ils surenchérissent avec bonheur dans l'euphorie des transports en commun, dans l'enthousiasme de l'apesanteur !
Quand une pluie de feuilles blanches s'abat pour  accueillir un voltigeur, c'est pour mieux tracer sur des pages blanches, le récit des corps virtuoses de l'acrobatie;
Au final, des nuages presque "authentiques" se mêlent aux fumerolles: de quoi se perdre dans le brouillard ou rester au bord de scène à contempler  le ciel, la neige ou la voie lactée.

Au Maillon avec les Migrateurs et le TJP jusqu'au 8 Avril


jeudi 6 avril 2017

"Faim, soif, cris, danse, danse, danse" :: Rimbaud en route!


Aurélie Droesch élève metteure en scène avec le groupe 43 (3 ème année) en collaboration avec le groupe 44 (1 ère année) de l'Ecole du TNS s'attèle de front à évoquer les univers de Rimbaud: adaptation réalisée à partir du texte "Une saison en enfer": Rimbaud avait en 1873 19 ans: presque l'âge de ces jeunes comédiens, frais émoulus de leur expérience de jeunesse du Théâtre!
Scène occupée par deux grans rideaux blancs, un sol lacéré de touches de couleurs en arabesques, des instruments de musique de fortune, récupération hétéroclite d'objets, au sol.
Bruit de pas: ils arrivent, surgissent des drapés, deux femmes, deux hommes vêtus de noir et blanc en costumes d'époque contemporaine ou de "jadis"!Silence, attente, contemplation, mutisme: ils semblent nous interroger, nous observer.Les tours de manivelle d'une viole de gambe pour ambiance sonore, ritournelle, routine.Hyène damnée, la voici qui s'expose, Hélène Morelli, stable, tranquille puis vite animée de fougue et de passion, la voix posée, ample.Dans ses atours noirs style bourgeoise bienséante, elle séduit par sa présence, son côté Léa Seydoux. A ces côtés, ses compères lui font répartie, elle fragile, frêle femme épeurée, Marianne Deshayes Pour penchant masculin, Genséric Coléno Demelenaere, jeune, blond, étonné, ingénu et Roberto Jean, grand gaillard noir de peau qui sera "le nègre" haut en couleurs de cette littérature pleine de "race" et de classe !
Sur fond de voiles de navire, d'architecture en ogive et de bled en terre d'argile, les voici qui font prendre corps aux verbes de Rimbaud, à sa plume énigmatique, indomptée, résistante toute de piété et de mysticisme, d'ode à Dieu autant qu'aux péchés capitaux et autre luxure, débauche et transgression.Ils l'ont dans la peau, ce jeune rebelle insurgé de la Commune et des barricades. "Je danse le sabbat dans une rouge clairière avec des vielles et des enfants", rugit-elle, alors que démarre une scansion de marche rythmée sur des chants guerriers: danse échevelée de chacun, gestuelle mesurée ou débridée, danse sur mesure pour chacun: belle envergure de Roberto Jean qui se lâche et s'abandonne, torse offert, don de soi, comme Rimbaud qui avoue dans les illuminations"J'ai tendu des cordes de clocher à clocher ; des guirlandes de fenêtre à fenêtre ; des chaînes d'or d'étoile à étoile, et je danse. "
Comme Ernest Pignon Ernest qui trace la route de Arthur avec son "Rimbaud" de Paris à Charleville.


Du vent dans les voiles et on largue les amarres dans ce décor métaphorique, toutes voiles dehors comme à la proue d'un bateau ou dans la manipulation de cerfs volants au bout de longues ficelles que chacun tire et attire à lui, dévoilant un paysage de désert, démoniaque, solitaire, terrien.Tempête et coup de grâce pour ce poète épris de croyance singulière, tantôt bête, tantôt ange ou démon.
La danse les reprend, totem accumulé de leurs visages grimaçants, révolte de bruits de gamelles tonitruantes, fumées, musique de révolution pas passive mais affolée.
Rimbaud, intouchable roi du désert, de la mort, de la guerre, saltimbanque distingué, éperdu par sa jeunesse, sa rédemption, ou la rémission de ses péchés antérieurs
Rimbaud -rock à la guitare électrique, au saxo, dans la couleur des voyelles, dans ses hallucinations illuminées comme les petites danses exécutées en solo par chacun au creux des ogives: statues de vierges folle ou sages...
Pour un coup d'essai, cette mise en bouche et en espace, pari pas gagné d'avance, est convaincante, un peu "longue" en rebondissements successifs des textes comme autant de "fausses fins" accumulées. A trop vouloir partager, on étouffe aussi la soif et la faim sans pour autant la tarir: une petite frustration eu été nécessaire sans pour autant rester sur sa faim!

Au TNS SALLE Gruber jusqu'au 8 AVRIL
r

mercredi 5 avril 2017

Anne Théron:"Celles qui me traversent": Aqua rêvent les méduses?

Dire un sentiment fugace, bref, intense, inexpliqué, affronter sa part d’ombre. Auteure, metteure en scène et réalisatrice Anne Théron, s’est prise au jeu dans Celles qui me traversent. Une pièce organique qui met en scène la parole et le féminin dans un croisement inédit entre le mouvement dansé et la chair des mots.
Suite à son précédent spectacle, Ne me touchez pas, présenté au TNS en 2015, une passionnante revisitation des Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos du point de vue des femmes – Anne Théron s’aventure dans un autre espace. Celles qui me traversent poursuit un double motif de réflexion autour de la voix et des mondes du féminin. Après avoir interrogé les statuts de la femme, politique, social, religieux, la metteure en scène aborde aux rives de son identité multiple, et cherche à travers corps et mots, les phénomènes invisibles de sa logique émotionnelle.
Issue de la littérature, du cinéma et des arts plastiques, Anne Théron pense d’abord le plateau en termes d’images et de sons. Pour cette création, elle a filmé quatre femmes et leurs mots naissants à partir d’attrapes-fiction et s’est elle-même immergée dans l’écriture. Elle a aussi confié à deux danseuses aux qualités singulières, Akiko Hasegawa et Julie Coutant, la part des corps et son imaginaire. Celles qui me traversent se présente comme un objet visuel et sonore aux images et textes fragmentaires où vient se fondre le duo dansant traversé de multiples visages. 

Un rideau de fils éclairé, comme une cascade de perles de pluie qui glisse doucement au fil de la chaîne d'un métier à tisser surdimentionné.Des mains en surgissent, défient les failles et se jouent des fibres vivantes de cet organisme géant, sorti des mers .Des bribes de corps se dessinent dans ces entrelacs arachnéens: il pleut des cordes et sur celles d'une contrebasse, se déchirent des sons alanguis, résonnants. Deux danseuses se glissent et traversent les flux aquatiques, telles deux passe-murailles entre les interstices de cette toile de soie scintillante.
Au sol, sur fond de tapis blanc se dessinent des zébrures de lumière. Sur demies-pointes, comme des araignées de mer, brachidées hybrides, elles dansent, elles avancent ou se meuvent de côté.Tentacules, méduses gracieuses, rêveuses, elles ondulent ou tranchent l'espace multidirectionnel. Crabes, à quatre bras, à quatre pattes, animal fantastique.
Complices, consœurs dans cette aventure spatiale très aquatique, renforcée par des sonorités off, savamment recherchées, évoquant le monde de l'eau, feutré, silencieux aussi.Enlacées, furtives les deux femmes, sobrement vêtues, dévoilant deux corps lisses et athlétiques, se lovent, fondent  dans des bercements fusionnels: repos langoureux sur la plage, sable chaud, matières à se laisser aller à la jouissance du lieu: échouées près de la mer, de l'onirique vision d'un tableau à la Salvador Dali: luxe, calme et volupté.

Elles jouent avec la chevelure grandiose de cette fresque lumineuse, colorisée comme un film de Loie Fuller, plasticienne de la lumière et de l'air. Un aspect ethnique que ces immenses franges échevelées qui laissent les corps les caresser, les ouvrir, les entrebâiller. Érotisme de ce qui se cache, se laisse à peine entrevoir, dissimulé dans cet entre deux, cet ob-scène espace du désir.Comme de logs cils qui s'ouvriraient pour dévoiler l'iris d'un oeil tout droit sorti du "Chien Andalou" de Bunuel. Reflets dans un œil d'or, la chorégraphie de Anne Théron voyage dans l'intime surréalisme d'une toile de Dali. Quand comme dans un rituel, les deux femmes traversent les tentacules de cette méduse gigantesque, la femme qui danse, c'est celle de Paul Valérie avec ses longs cils translucides, vaporeux, érotiques en diable qui se soulèvent et baillent à l'envi. Les corps solaires, extatiques, offerts de ces deux femmes fascinent et entraînent au plus profond d'un inconscient aqueux, fébriles, versatiles, futiles, vibrants comme les électrons libres de l'image vidéo: lèvres et mains en graphique dessiné sur les fils d'un tissu sans chaîne où tout se trame et s’enchaîne à loisir. Quelle félicité dans ces évolutions ludiques, sereines: une offrande à la beauté sur l'autel de la chair joyeuse et retrouvée.Les sons chuintent, murmurent comme chez Varda, glaneuse furtive d'images.....Le kiné-ma s'émeut , réjouissant et lumineux!

."Celles qui me traversent" à Pôle Sud les 4 et 5 Avril

La frite en dansant, léger !




"Baal": à blanc !


A propos de :"Baal est la première pièce du dramaturge et metteur en scène Bertolt Brecht (1898-1956). Elle décrit l’errance existentielle d’un poète qui ne se soumet à aucune règle sociale, s’enivre de schnaps, de sexe et de poésie. Christine Letailleur a choisi de monter la toute première version de la pièce, écrite en 1919, avec toute la fougue et la révolte du jeune Brecht alors âgé de vingt ans, au sortir de son expérience de la guerre. 

Après avoir présenté Les Liaisons dangereuses au TNS en janvier 2016, Christine Letailleur crée Baal avec, dans le rôle-titre, Stanislas Nordey. Elle l’avait déjà mis en scène dans plusieurs pièces : La Philosophie dans le boudoir de Sade (2008) et des œuvres d’auteurs allemands du XXe siècle dont la dramaturgie la passionne : Pasteur Ephraïm Magnus de Hans Henny Jahnn (2006-2007) et Hinkemann de Ernst Toller (2014). Pour cette création, elle retrouve de fidèles compagnons de scène ainsi que de jeunes acteurs issus des écoles du TNS, du Théâtre National de Bretagne et du Conservatoire de Liège. "



Fougue, verve, déferlement de luxure, débauche et plaisirs de toute sorte, ce "Baal" est une résurrection païenne du spectacle d'origine, celui de Brecht, perdu, égaré dans une jungle dont il aimerait bien être le maître, le tyran, le bourreau des cœurs meurtris par une condition sociale amère et cruelle: celle des bas-fonds, celle où le corps des femmes est objet, trituré, violenté, irrespecté, manipulé.
Dans cet enfer, un décor sobre aux éclairages savants, les hommes naviguent tous pétris de désolation et sans espoir aucun: même la chair y est triste: est- ce la volonté de la metteure en scène que de rendre une atmosphère lugubre, alors que Brecht dans sa volonté de magnifier le désir et le plaisir souhaitait sans doute délivrer un message de distanciation moins fade, plus violent, rageur et animal, voire bestial en diable.
Stanislas Nordey incarne ce personnage cynique, trompeur et meurtrier, avec conviction, mais sans grande envergure dramatique: il faut croire en Baal comme en un être sans remords ni regret, compulsif et ravageur, à fleur de peau et de chair fraîche!
Oser l'insoutenable surtout de cette diatribe sociale qui contient en son sein toute l'oeuvre de Brecht, excepté la musique! Pas de divertissement, ni de pause pour cette course folle à la mort, à la destruction irrévocable d'un héros déchu qui va brûler sa vie sur l’échafaud d'une mezzanine enflammée: très belle vision plastique finale pour clore cette odyssée du désastre humain, de la décomposition d'un ivrogne, alcoolique qui brûle sa vie dans la douleur, pas le plaisir!
A mon souvenir Baal n'est pas beau physiquement mais sublime séducteur qui détourne les femmes, les aime et les initie à la jouissance ,la sublimation totale de l'amour non pas transcendé mais charnel et la maman n'est qu'un rabat joie ! Anti bourgeois ,il transgresse les lois ,une pièce de jeunesse de Brecht qui annonce Mutter Courage ,la femme forte indépendante qui traverse monts et marrées  il y a quelque chose de Fassbinder ,ce sont des hommes qui divinisent la femme ...
De la bouteille en plus et de l'audace encore pour affirmer sans rester désabusé, le destin d'un humain criblé de tares qui parfois émeut et parvient à nous séduire dans des repoussements salvateurs: on voudrait s'échapper par ce trou, emballé par la faute diluvienne qui frappe et habite ce personnage, monstre hors norme, généré par une société sans appel ni rémission possible.Assailli par le démon charnel, la vanité et l'impuissance de s'en démettre! Ce bal de la danse macabre reste vain et sans la terreur requise pour brosser le portrait d'un enfant de la balle.
"Baal" au TNS jusqu'au 12 Avril 

mardi 4 avril 2017

Les patineurs de Nolde !



" Danse Flore" à Art Course !








D D Doré Doré Gustave!