lundi 30 janvier 2017

Umwelt de Maguy Marin

Quatre femmes et cinq hommes immobiles regardent intensément le public, du seuil d’un décor de métal occupant tout le fond de la scène – trois rangées de grandes lames métalliques et miroitantes disposées en quinconce au fond du plateau nu. Quelques secondes plus tard, ils ont disparu. Ils ne réapparaîtront véritablement que pour les saluts. Entre ces deux moments, il y aura eu de la fureur et du bruit, peut-être de la danse, de la pensée assurément.
Soyons honnêtes, Umwelt est un spectacle presque insoutenable. Le programme parle pudiquement de « vives réactions de la part du public » : trois ans après sa création, des vagues de spectateurs quittent encore la salle dès le premier quart d’heure, les huées se mêlent encore aux vivats à la fin de la pièce. Elle ne contient pourtant aucun des ingrédients qui signent habituellement une mise en scène scandaleuse – étalage de nudité, projection de matières organiques, gestes outranciers. Maguy Marin et sa troupe ignorent ces accessoires pour s’emparer, avec une froideur désespérée de médecin légiste, de l’assemblage fragile qui constitue notre humanité.
D’emblée, en effet, le spectateur est assailli dans son intimité la plus vive par une bande-son composée d’accords électriques, si violents qu’ils semblent plutôt avoir été arrachés aux archives audiovisuelles de ce siècle, bombardements, tirs d’armes automatiques, collisions d’engins ferroviaires, crashes aériens, embouteillages des mégalopoles. Aux commandes, une bobine de fil reliée à trois guitares électriques se déroule lentement en avant-scène. L’intensité du volume rend tout retranchement impraticable. L’on est saisi de l’intérieur et la seule échappatoire possible, reste de se concentrer sur ce qui se joue sur la scène.
Là, comme indifférents à l’insupportable fracas et au vent de scène qui secoue les pans de décor, les danseurs apparaissent et disparaissent entre les lames de métal. Par deux ou trois, faisant face au public un instant, un instant se réfléchissant dans un miroir, l’instant d’après disparaissant, ils passent d’un pas régulier et synchronisé. Leur passage est ainsi l’occasion de saynètes qui paraissent d’abord absurdes, puis acquièrent sens et densité par leur répétition. Un homme et une femme mordent dans une pomme, deux hommes se coiffent d’une couronne de métal, trois femmes serrent un enfant sur leur cœur… À intervalles réguliers, le mouvement s’interrompt, la lumière frontale cède la place à une lumière zénithale et l’un des danseurs s’arrête à l’orée du décor pour contempler le public.
Au fur et à mesure, pourtant, cette mécanique précise se détraque : le rythme est parfois rompu par la course effrénée de l’un ou l’autre des danseurs ; des paroles sont criées et immédiatement englouties par le vacarme ; l’univers jusque-là ordonné s’abîme dans la confusion des sexes, dans le mélange entre humanité et animalité. Le plateau se couvre bientôt peu à peu de détritus ; sur le cœur des femmes les enfants sont alors remplacés par des animaux ; le roi, lui, porte un revolver ou un bleu de travail. Et toujours la tempête qui fait voler vêtements et chevelures, toujours le hurlement métallique qui perce le tympan et emporte le cœur.
Cette pièce qui veut parler de la disparition du lien social et des « grands enjeux sociaux d’aujourd’hui », nous donne de fait à voir le mouvement même de l’histoire, ou plutôt ses bégayantes illusions. Corps et actes sont pris dans un système qui les annihile et qui n’épargne aucun acte.
On pourra à loisir accuser ce travail de prendre le spectateur en otage – pourquoi en effet lui infliger, outre l’image d’un mécanisme qu’il est censé ne connaître que trop, un vacarme qui menace de le laisser sourd ? Comment, devant tant d’évidente agressivité, ne pas se lever et quitter la salle ?
Il me semble, quant à moi, que faire l’épreuve de cette violence permet de restituer aux images une réalité trop souvent occultée par le discours lénifiant des médias. La dureté du spectacle est loin d’être aliénante. Au contraire, elle nous permet de nous mesurer avec ce qui devrait nous être réellement insoutenable – un ordre du monde injuste auquel nous nous soumettons pourtant au quotidien. Maguy Marin et sa troupe nous rappellent que oui, nos contemporains se font exploiter ou tuer sans que le goût de notre tartine matinale nous en paraisse plus amer. Notre surdité et aveuglement volontaire, notre aberrante passivité, voilà ce qui en réalité est déployé devant nous – et je conçois que la leçon soit difficile à recevoir.
On pourra à nouveau protester en accusant le spectacle de ne donner aucune solution. Or le travail de Maguy Marin échappe au cliché de l’artiste moralisateur. L’art n’a en effet aucun privilège dans le tableau qui nous est présenté : si l’on voit passer les robes de soirée de Pina Bausch ou le lièvre de Joseph Beuys, c’est au même titre que le reste, anecdotes impuissantes à changer le cours de l’histoire. C’est pourtant à une conclusion revigorante que nous sommes conduits : le regard que posent sur nous les danseurs est à la fois plein de détresse et d’espoir. À nous de décider d’être autre chose que des otages. 


Umwelt (2004), de Maguy Marin (reprise)
Cie Maguy-Marin • Centre chorégraphique national de Rillieux-la-Pape
Conception : Maguy Marin
Musique originale : Denis Mariotte
Lumières : Alexandre Beneteaud, Denis Mariotte
Costumes : Cathy Ray, assistée de Chantal Cloupet, Aurora Van Dorsselaer
Photo : © Christian Ganet
Régie plateau : Michel Rous

vendredi 27 janvier 2017

"Cold Blood": quel doigté ! L'amour à mort, la mort, amour Kaléidoscope et autres magies !

A propos de:
"Un film réalisé en direct sous nos yeux.
Les lumières dans la salle s’éteignent. On tourne. Action ! Les doigts cabriolent dans un merveilleux décor miniature, les caméras voltigent et dansent, une voix raconte. Le cinéaste Jaco Van Dormael (Toto le héros) et la chorégraphe Michèle Anne De Mey réalisent un film en direct, sous nos yeux.
Cold Blood est un voyage poétique peuplé de Fingerspitzengefühl (doigté) et d’inventions visuelles époustouflantes. S’amusant des rapports d’échelle, les mains dansent dans les maquettes de cinéma alors que nous découvrons en même temps une autre histoire, un hors-champ grandeur nature que l’écran éclaire, un road movie au hasard de sept destins, comme observés par un ange bienveillant. Le spectacle explore le minusculement petit, arpente des nano-mondes où la vie s’observe à travers un kaléidoscope"
Dans des décors lilliputiens, les mains s’enlacent et se délassent, se touchent et s’en vont, reviennent avant de s’évanouir pour de bon. Un voyage où chaque spectateur plonge dans des sensations éphémères qui s’avèrent inoubliables."

Et que la mort est belle! Mort aux trousses, main dans la main avec la camarde, nous voici embarqués pour un voyage aux enfers ou au paradis, avec Orphée et Euridice: surtout ne vous retournez pas, et comptez jusqu'à trois pour pénétrer le pays du rêve: et pourtant vous êtes bien éveillé !
On est sur scène, dans un studio de cinéma: travelling décor, caméra louma...Silence, moteur, ç a tourne! Alors on assiste en direct à ce qui se trame derrière le miroir, regard ob-scène sur l'envers du décor: la fabrique des images opère en présence de onze techniciens, à vue qui comme des manipulateurs de marionnette vont faire surgir le mouvement sur l'écran en devant de scène: la magie de Robert le Diable! Car si magie et cinéma se rencontre c'est bien ici, déployé dans une fantaisie et une audace étonnante, une poésie tonitruante. Deux petits doigts de la main et le tour est joué: évocation de la comédie musicale, avec comme ballerines pour Ginger Rogers, deux dés à coudre: (qu'il est loin le pays ra plat plat de Bla-bla Land !) Dans une tonalité d'humour décalé, le texte signé Thomas Gunzig, nous guide, nous conduit sur le chemin de petites morts successives, sept en tout qui iront du torride jeu de pole dance, au lavage d'une voiture fantasmée, d'une évocation de Pina Bausch, tâtonnant l'espace, aveugle de Café Muller à travers un décor de vitrage, au Boléro de Ravel de Béjart, incarné par plein de petits doigts avides du danseur plein de doigté !
Les décors: autant de petites scène préparées qui s’enchaînent comme pour un plan séquence ou tout est prêt à l'avance! Virtuosité et performance de ces morts en direct, où l'exigence du rythme est fulgurante, à vous couper le souffle. Dans les studios de tournage, l'équipe s'affaire et se met en péril, la danse transcende le mouvement: qu'elle soit celle des corps ou des doigts, Michèle Anne de Mey s'y révèle une fois de plus, musicienne hors pair, reine de la mise en espace, poète pataphysisienne de l'objet surréaliste qui donne en surdimension toute sa magie.
Les choix musicaux ravissent et nous capturent vers des souvenirs nostalgiques, de Nina Simone à "Sag warum", on plane, on survole le destin et l'univers en avion dans les nuages de fumigènes: tout "opère" à merveille et quand la séance se termine on attend le générique de fin: le rideau tombe sur cet opéra, savant opus de savoir faire et d'imagination débridée. "Cold Blood"ou l'enfer du décor pour un paradis pas perdu où le rêve s'achève: on compte 1 2 3 et l'on retourne chez soi pour continuer le rêve, fermer les yeux cette fois devant tant de grâce !
On songe aux travaux du photographe Frank Kunert "Wunderland"sur les mises en scène d'architecture, exposant ses maquettes et les résultats photographiques bluffant, des paysages en ressortant !



mercredi 25 janvier 2017

"La mécanique des ombres": bien huilée ! Le hip-hop démasqué !

Sylvain Bouillet, Mathieu Desseigne, Lucien Reynès

"Avec eux, la création comme la scène sont des espaces d’aventures collectives. Aussi les trois artistes signent ensemble leur seconde pièce. Visages intégralement masqués de noir, ils interrogent la communauté et en chorégraphient les pulsions anonymes à travers l’énergie du hip-hop et la poésie du cirque.
Ensemble, ils forment un trio d’acrobates et de danseurs. Ils se connaissent depuis l’adolescence. Leurs parcours respectifs sont faits de trajectoires communes et de démarches singulières. Ils se retrouvent à travers le cirque, le mouvement, la création et la pédagogie. 
En 2014, à la recherche d’une danse essentielle et possible pour tous, ils créent Je suis fait du bruit des autres et y découvrent une riche matière de création dont ils prolongent l’aventure dans cette nouvelle pièce La Mécanique des ombres.
La force qui se dégage de la figure masquée débride les gestes. Elle hante les mémoires collectives comme l’imaginaire de chacun. De cette étrange communauté inavouable se dégagent des histoires d’hommes. Quête identitaire, ombres menaçantes, trouble héroïsme. La figure mène sa propre danse et sonde les espaces d’expression du lien social, la liberté des corps, le mouvement, entre la chute et le vertige."


Sylvain Bouillet, Mathieu Desseigne, Lucien Reynès

Une pièce singulière fondée sur l'anonymat: celui de trois silhouettes masculines, jean, sweat shirt à capuchons, pieds nus, sobres, banals, urbains en diable! Sur le plateau nu, tapis noir,lumières tamisées, après un vrombissement étranges, ils vont évoluer, à terre, au sol dans une synchronisation hallucinante, faite de ricochet, de passation de tempo.  Dans une précision extrême, les mouvements tétaniques construisent et déconstruisent les corps conducteurs d'énergie.Mouvements hachés, désarticulés, décomposés, en petites touches saccadées. Ils se manipulent avec dextérité, chacun pour soi, contorsionniste à souhait Une unisson s'installe entre eux, ils se jouent d'un espace restreint, réduit à leur trio, qui peu à peu opère son érection vers la verticalité.Les visages impassibles, masqués de voile noir, plaqué sur la peau, tendus comme des faussaires ou braqueurs de banque Jeu de mains, de jambes, électriques, stratifiés et décomposés à l'extrême, c'est un savant mélange de virtuosité, de prouesse au service d'une montée en puissance de la dramaturgie. Trois corps complices dans une ambiance étrange, mannequins sans visage, ni regard, comme les sculptures de Daniel Firman ou les hip-hoper de Denis Darzacq Mécanique, machinerie à chutes, engrenages bien graissés.
On est en apnée, en empathie durant tout le temps de leurs évolutions quasi circassiennes qui donnent à la mouvance hip-hop, dans la musicalité des silences, une profondeur magnétique et palpitante qui tient en haleine et méduse sans concession
Un trio qui au final danse du "trad", comme une pause, un prolongement de leur langage urbain, comme un retour au source à l’enchaînement, au lien, à la solidarité: comme une mécanique bien huilée, celle des "temps modernes" aux rouages tous tracés.
A Pôle Sud les 24 et 25 Janvier


Denis Darzacq


Daniel Firman



lundi 23 janvier 2017

Laine !


Sculptures!




dimanche 22 janvier 2017

Lil Buck !



Origami !


danse de la grue !

Danse bricolage !




Danse dessert !





samedi 21 janvier 2017

"La Fonction Ravel": Claude Duparfait entre dans la danse !


A Laon dans l'Aisne' en Picardie, la voie de garage semblait fatidique pour ce jeune adolescent en classe de transition...Quand la rencontre avec l'oeuvre de Maurice Ravel lincite à sortir d'un déterminisme et destin fatidique! Claude sera artiste, comédien, et de plus dans ce spectacle qu'il met en scène, danseur et chanteur. En-chanteur des planches ce soir là au TNS dans le cadre de "L'autre saison".En compagnie du pianiste François Dumont, le voici évoquant sa jeunesse, malin, nostalgique mais aussi révolté de tant de maladresse dans sa vie antérieure. Antérieure à la découverte de la musique de Ravel, de ses danses, valses, pavane et autres mélodies, Boléro , celui chorégraphié par Odile Duboc, pas Béjart !Alors il danse lui aussi, sous l’œil bienveillant de Thierry Thieu Niang, virevolte, fait le derviche tourneur en jupe longue et noire qui prolonge les mouvements de son corps, fait de petits gestes tétaniques sur les morceaux de musique égrenés savamment par le pianiste galvanisé par les tonalités hispanisantes ou les airs de valse lente.


C'est beau et sobre, habité subtilement par touches impressionnistes dans ce jeu d'acteur, auteur de sa propre biographie, autoportrait sensible et inspiré, joué avec dévotion, sensibilité et une touche de distanciation salutaire. Ce Boléro qui se transforme en air de jazz, joué par des transistors à l'unisson, c'est magique, tendre et poétique à souhait!
Ravel en fonction salvatrice, sauveur d'une âme, berger et ange libérateur, vaut bien une pièce de théâtre, un hommage intime et juste, vrai, vécu et transcrit dans une langue sobre et communicante
On est avec lui en empathie, le temps de cette évocation singulière et charmante , séduit par les interprétations virtuose du pianiste, complice et partenaire, parfait !
Au TNS à Strasbourg les 19 et 21 Janvier

"Atem Lied" de Keiko Murakami: à vous couper le souffle !



http://www.academie-ensemble-linea.com/keiko-murakami


"Je voudrais dédier ce premier disque solo à Mario Caroli, le professeur à qui je dois d'être la flûtiste que je suis devenue, l'artiste qui ne cesse jamais de m'inspirer et de m'impressionner, l'ami cher qui possède le cœur le plus sensible que je connaisse"
Keiko Murakami

Une compilation originale de la flûtiste Keiko Murakami, formée par Mario Caroli, c'est un événement, un acte d'audace posé sur l'édition de musique contemporaine magnifiée par l'interprète et l'ingénieur du son Julien Rigaud! Ce projet soutenu et accompagné par Le Salon de Musique de Strasbourg, le "Lieu", l' "Endroit" incontournable des instruments à vent, notre "flûte de Pan", référence incontournable du "souffle" qui n'en manque pas! Compagnons de Mario Caroli pour l'édition musicale de son répertoire!

"Chant de souffle"
Cinq morceaux enregistrés sur ce CD en hommage à l'instrumentiste virtuose et talentueuse, bien connue du public strasbourgeois, Keiko Murakami.

"Japanes Garden" pour flûte basse et bande magnétique de 2006 signée Doina Rotaru dévoile cet esprit du souffle autour duquel toutes ces œuvres sont dédiées.
Bande pas à part qui joue avec le son de l'instrument soliste pour une atmosphère , une ambiance étrange La flûtiste y respire, l'instrument lié au corps comme son prolongement, poumon et trachée sinueuse au cœur du processus de création. Une "traversée" physique, "pneumatique", un esprit du vent qui ne manque pas d'air. Respirée, inspirée par le thème du jardin zen, de la nature mystérieuse et sauvage, prière et méditation percussives.

"Salmo 138" une oeuvre créée en 2012 pour Saint Pierre Le Jeune par Andrea Sarto, temple de Strasbourg à la résonance singulière et magistrale, peuplée d'anges et de spiritualité. Espace réverbérant en contrepoint de la flûte pour créer un univers inouï, recueilli, fascinant.

"Atem Lied" de Toshio Hosokawa de 1997 libère toute l'énergie fulgurante de l'interprète, limites de la performance fulgurante ou silencieuse de celle qui respire et inspire, en apnée, en retenue, apaisée, linéaire et intemporelle! Du premier cri au dernier souffle c'est la vie qui est ici convoquée, évoquée et ressentie. La flûte, seule se donne, se rend, ploie sans faillir, s'abandonne et laisse parcourir ses frissons à la perfection Suspens, suspension du son, silences....L'écriture est fragile et forte, subtile tenant à un fil: celui du son qui vibre et tisse de la matière spatiale impalpable, sculptant l'air et le temps.
"Mnemosyne" de Brian Ferneyhough de 1986 additionnée d'une bande magnétique pré enregistrée est l'occasion d'évoquer la déesse de la mémoire, créatrice du langage, oeuvre présentée ici dans sa version intégrale Langoureuse, étirée, fugace et vibratile sonorité, frémissante, impulsive. La flûte résonne comme des ondes circulaires qui se répandent et s'évanouissent dans l'ombre!

"Karos" 2 de Paolo Aralla de 2014 clôt l'écoute ; basée sur le geste chorégraphique et musical, la "danse" semble y prévaloir par les infimes percussions de la flûte, les frappements, tapotements du souffle Sensibilité organique née de l'instrument qui donne sa matière au son. Charnel en diable, vivant, présent, futile et vibratoire comme l'immobilité mobile d'un corps qui tremble. En vagues, volutes, spirales ou ondulations, ascension ou dégringolades virtuoses, brèves ou fragmentées.
Souffles lents ou maintenus, impulsions tracées dans l'espace sonore, lancés ou tranchées d'épée fendues en tierce, sabrées!
Répétitions étincelantes, jaillissements des crescendos, on est à bout de souffle ou le souffle coupé, haletant, essoufflé, époumoné par ces performances virtuoses ou tout semble simple et accessible: la beauté naît, l'air de rien,  de cet acte de création de l'interprète.
Non, ce n'est pas "du vent" mais de l'esprit de la danse, des respirations vivantes et existentielles, naturelles et pourtant si construites, mesurées, démiurges aussi ! Alors on peur expirer dans un dernier soupir! Le souffle en poupe et figure de proue !

Une édition à se procurer au Salon de Musique à Strasbourg
https://www.lesalondemusique.fr/



jeudi 19 janvier 2017

"El Perro (De) Andaluz++++ Accroche Note: portrait croisé: Georges Aperghis, Helmut Oehring


Après un premier concert à Strasbourg en novembre 2013 de l'Ensemble El Perro Andaluz, et une invitation d'Accroche Note à Dresde dans le cadre du festival Impulse der Musique Spectrale en janvier 2014, ces deux Ensembles décident de se fédérer dans un projet commun consacré à la musique de Georges Aperghis (France), et Helmut Oehring (Allemagne), avec la participation des étudiants de la HEAR. 

Georges Aperghis Il Gigante golia pour soprano, clarinette, piano, percussions (1975) 
Georges Aperghis Les lauriers sont coupés pour soprano, mezzo, flûte, hautbois/cor anglais, basson, trombone, alto (1975)
Helmut Oehring Wrong pour chanteuse sourde, hautbois, clarinette basse, alto, guitare électrique, percussions, électronique (1993-1995)
Helmut Oehring Angelus Novus I pour flûte basse, trompette, clarinette basse, quintette à cordes, guitare électrique, piano préparé, percussions (2014)

Accroche Note
Françoise Kubler, soprano / Donatienne Michel-Dansac, mezzo / Ruth Pereira, flûte / Armand Angster, clarinette / Aurélien Laizé, hautbois-cor anglais / Luca Di Lazzaro, basson / Sébastien Curutchet, trombone / Amélie Valdes, alto / Sylvie Reynaert, percussions / Nina Maghsoodloo, piano

El Perro Andaluz
Christina Schönfeld, chanteuse sourde / Arnfried Falk, hautbois / Albrecht Scharnweber, clarinette basse / Marie-Florentine Schilling, trompette / Robin Soudière et Alexandre Cottin, violons / Emily Yabe, alto / Iida Hirvola, violoncelle / François Iltis, contrebasse /Johannes Oellinger, guitare électrique / Sabrina Ma, percussions / Martin Baumgärtel, électronique / Lennart Dohms, direction

De l'audace, toujours de l'audace!

Un concert hors pair qui allie deux écritures singulières pour deux ensembles que l'audace n'effraie pas: celle de surprendre et de livrer au public des oeuvres inédites, d'offrir des territoires de découverte infinie.
Aperghis avec son "Il Gigante golia" donne l'occasion aux artistes d'exprimer à travers son écriture, les facettes de leurs talents d'interprètes : Françoise Kubler, étonnante, toujours par la pertinence de ses intonations, la justesse de son jeu, délicat et discret, la précision de sa voix, alliée à la complicité des autres interprètes, Armand Angster, chantonnant, percutant aussi lors de la prestation. 
Avec "Les lauriers sont coupés", inspiré de la chanson polyphonique de la Renaissance française, les dissonances inondent l'espace musical, les voix des deux chanteuses, complices et complémentaires, s'allient, se marient pour mieux se confondre; Donatienne Michel-Dansac, remplaçant "au pied levé" le rôle de duetiste, étonnante par sa façon de ponctuer, respirer et prendre des appuis pour défier toutes les difficultés de la partition. Atmosphère ludique, légère, empreinte de soleil et de couleurs chatoyantes.....

Helmut Oehring, en contrepoint, parait sérieux et grave avec "Wrong", une oeuvre servie par l'ensemble "El Perro Andaluz et son chef Lennart Dohms: singulière présence d'une chanteuse "sourde" qui chorégraphie littéralement la musique par son langage des signes et la portée très précise dans l'espace de notes visibles, comme dessinées et calligraphiées. Belle gestuelle, pesée, mesurée, précise et fort gracieuse à regarder se répandre dans l'espace.Christina Schonfeld s'y adonne avec passion, mesure et compose des images fortes et retentissantes, malgré l'absence de sonorités audibles! 
"Angelus Novus" pour clore le concert, en hommage au titre éponyme d'une oeuvre de Paul Klee, surprend par son acoustique amplifiée, sa guitare électrique et l'ensemble des musiciens, renforcé par la présence d'étudiants de la HEAR;
Que de rencontres et d'échanges fertiles entre ces artistes et compositeurs qui n'hésitent pas à confronter leurs univers, leurs pratiques et les confier à des interprètes à l’affût du risque, du danger et aussi du plaisir d’interpréter! Des qualités qui caractérisent fort bien la nature de l'engagement artistique de l'Accroche note!

Au conservatoire de Strasbourg le 19 Janvier 2017

mercredi 18 janvier 2017

"Prévert pour vivre": Christophe Feltz et Catherine Javaloyès ,félins pour l'autre....



Un trio pour évoquer Prévert et tout son univers...Le bonheur est bien dans ce Prévert, ce soir là au Café Brant de Strasbourg, une brasserie conviviale de bon ton. La salle est pleine de convives réunis pour partager le boire et le manger, puis l'écoute attentive de ces trois mousquetaires du franc parlé poétique de l'homme discret que fut Prévert. Attention embarquement pour une heure de spectacle truculent, magique et poétique où s’enchaînent, maille par maille le tricot de 52 textes récoltés , réunis, classés ou en joyeux désordre. Depuis 10 ans déjà les comédiens sillonnent le territoire avec ce morceau de bravoure de référence, avec succès, passion, conviction, habités par les mots, le texte ... Tout près de l'homme, vers son humour noir, sa poésie, son sens du vire langue, des calembours et jeux de mots dans une chanson de gestes fort bien orchestrés et mis en scène."Pressons, pressons", l'heure est grave et joyeuse, comme un ballet musical, ponctué par des bribes enfantines et ludiques de percussions live de Francesco Rees. Du franglais, du verbe pour le meilleur corps d'une mise en bouche subtile des plus fameux ou des plus inédits des vers ou rimes de Jacques....Dans le métro, on rêve, à l'école on tente d'être, on passe son temps titanesque à saute mouton , au dessus des nuages dans l'univers surréaliste de Prévert, parfois durassien ou à la Devos, toutes les filiations se dessinent et l'on jubile, tant il y a à voir et à entendre dans ce "Prévert pour vivre"! Un véritable suspens cinématographique rappelle l'amour de l'auteur pour le cinéma, ses dialogues, ses rebondissements, ses meurtres ...Son cynisme aussi quand Adrien perd la tête et que son corps court encore en corps!
C'est bien construit, joué dans la subtilité, le contraste, l'apnée ou le silence, la fougue ou la discrétion. Étonnez nous encore chers comédiens avec la fuite du roi des cons, le gavage par entonnoir d'un homme sans tête qui la fait mauvaise.Prévert en couleurs ou en noir et blanc comme sur la pellicule !

Plaisir de redécouvrir un parolier, un homme de plumes et de distanciation, un écrivain "populaire" dans un lieu tout aussi convivial
Belle prestation de Catherine Javaloyès, gouailleuse comme Arletty, joyeuse ou paumée, toujours dans la finesse et la bonne dose d'un jeu très physique, chorégraphié dans l'espace tracé par des gestes mesurés, sentis, Christophe Feltz, tout de nuance, de tendresse, pétri d'amour, de douceur et candeur ou de naïveté. De colère aussi, de fureur de désolation: la vie en quelque sorte !
Ce soir là, l'ambiance est aux retrouvailles avec la comédie de la vie, de la justesse sans nostalgie de l'évocation libre de droit d'un magicien du verbe incarné !

Play mobil dance !



Almanach!


jeudi 12 janvier 2017

Kilt !


Pianissimo !





mercredi 11 janvier 2017

L'effet dragée !



lundi 9 janvier 2017

Danse de mort: Antoine Bernhart !




dimanche 8 janvier 2017

Charles Fréger danse !


Au loup !




mercredi 4 janvier 2017

Tutus goupillon!


"Dom Juan" :déus ex machina, astres et désastre!


Dom Juan; c'est un mythe, une icône et au Théâtre, de multiples références! Alors on y va les yeux fermés, vierge de tout contrôle et version antérieure pour apprécier à vif une mise en scène et scénographie, décoiffantes .L'espace scénique est déjà occupé par les comédiens et techniciens quand le public pénètre dans la salle du TNS. Théâtre ouvert, théâtre "à vue" qui se fabrique devant nous; c'est bien des hommes et des femmes "au travail" que nous allons regarder plus de deux heures durant, sans faille, sur le plateau.
Sganarelle, figure légendaire de cette pièce, "valet" incontournable des comédies (ballet) de Molière, ici incarné par Vincent Guédon, se révèle un personnage fin, haut en couleurs, franc de collier malgré des passes difficiles et mensongères. Face à son maître, Nicolas Bouchaud, séducteur à la dent longue et au désir impulsif ou compulsif envers tout ce qui bouge de féminin, il est "vivant" et plus que présent, nerf de cette guerre où les sentiments ne sont pas vraiment de mise!
Ce théâtre "qui avance", se déploie avec perte et fracas, convainc, séduit, dépote et invite à la surprise sans détour. Un dispositif scénique, gris, blanc plein de poudre aux yeux, de particules fines pour semer le trouble (brouillard, vapeurs, farine et autres falbalas de comédie satirique) semble à la une. Chacun se débat dans cet espace peuplé d'objets hétéroclites, suspendus aux cintres, intervenant comme de petites bombes à retardement dans ce monde fébrile et pulsatile.



Le metteur en scène bricole un univers qui se déchire, se déconstruit, tectonique des plaques et planches hurlantes; associé à Christian Tirole et Daniel Jeanneteau, le voilà architecte d'un monde qui s’effondre, de valeurs en péril.de fragilité des âmes qui se déchirent. Comme des astres suspendus au dessus de nos t^tes, des sphères menacent, ponctuent l'esthétique branlante de ce qui est lumineux et fragile. L'univers gris-blanc, saupoudré de fines particules semble pollué et porteur de menaces: on y retrouve le commandeur en statue vivante, les tulles et tarlatanes spectraux au rendez-vous de cette symphonie sur le désir et la cupidité. Belle et tonitruante représentation d'un Molière remit à sa bonne place: agitateur professionnel d'une "comédia del arte" en voie de disparition, d'un crêpage de chignons à la mise en scène qui galvanise tout un chacun et fait d'une séquence "disco" le clou de désastre! 
Ca éclabousse, ça remue les esprits et chauffe l'ambiance sur le plateau dévolue à une tornade blanche sémée de poudre: gare aux explosions jubilatoires!


AU TNS jusqu'au 14 Janvier

A propos de:

"Après avoir subi la censure lors de la création de Tartuffe, Molière et sa troupe créent Dom Juan en 1665. Ce personnage mythique, qui passe de femme en femme et ne croit en rien d’autre qu’en « deux et deux font quatre », débarque en Sicile avec son valet Sganarelle, fuyant Elvire qu’il vient d’épouser. Le metteur en scène Jean-François Sivadier met à nouveau face à face les comédiens Nicolas Bouchaud et Vincent Guédon, qui interprétaient Alceste et Philinte dans Le Misanthrope, présenté au TNS en mars 2014. 

Comédien, auteur, metteur en scène de théâtre et d’opéra, Jean-François Sivadier avait, en 1996, repris la mise en scène du diptyque Dom Juan/Chimère et autres bestioles de l’écrivain et metteur en scène Didier-Georges Gabily décédé avant la création. Il a, depuis, mis en scène ses propres pièces ainsi que des œuvres de Beaumarchais, Brecht, Büchner, Shakespeare, Feydeau, Claudel, Molière. Depuis 2000, il est artiste associé au Théâtre National de Bretagne. "