vendredi 24 juillet 2015

"Facing Time" : Jan Fabre "Mons-trueux" !



JAN FABRE : « FACING TIME », ROPS / FABRE, NAMUR

fabre
Jan Fabre : Facing time / Rops/Fabre / Musée provincial Félicien Rops & divers lieux / Namur (BE) / 14 mars – 30 août 2015.
«Si je devais voler une oeuvre dans un musée, ce serait la Pornocratès de Félicien Rops», déclarait Jan Fabre, dans une interview en 2011.
Namur, partenaire de Mons 2015, invite Jan Fabre pour une rencontre posthume avec Félicien Rops : un parcours inédit dans les musées et en plein air, à la découverte des univers audacieux et interpellants de ces deux artistes belges. La conversation entre Rops et Fabre, au-delà du temps, va déranger, secouer, interroger.
« Facing time » nous convie à un face-à-face entre deux artistes, séparés par deux siècles d’histoire et de développement de l’art. Modernité, techniques, thématiques, tout est sujet et objet à changement. C’est à travers le temps et le regard que les parallèles et similitudes entre Fabre et Rops viennent chercher le dialogue.
Joanna De Vos, commissaire invitée : « Quand Jan Fabre a découvert les oeuvres de Félicien Rops dans les années ‘70, il a été fasciné d’emblée par son imagination magistrale. Par les sujets qu’il aborde dans ses dessins, peintures, gravures, lettres et illustrations, et la façon dont il les représente. Par ses caricatures, ses corps extatiques et vulnérables, par son rendu réaliste de la peau, de la chair et du squelette, et l’intérêt tout particulier qu’il porte à la femme sous toutes ses facettes. Par la volupté et le raffinement que respirent ouvertement ses déshabillés. Et enfin par l’ode que Rops fait à la vie, dans tout ce qu’elle a à la fois de beau et de terrorisant.

Jan Fabre voit en Rops un allié qui s’est créé un monde à lui et un langage propre, non conventionnel. Qui, dans un langage poétique et enflammé, s’est opposé au confort d’un environnement familier. Qui a fait preuve d’intransigeance, de subversion, de total abandon, mais aussi d’intégrité et d’ironie. Qui n’a jamais cessé d’être son propre complice. Qui a répété, pas pour le plaisir de répéter, et reproduit, pas pour le plaisir de reproduire, mais pour réinterpréter et perpétuer cet univers qu’il a fait sien. »
Joanna De Vos, commissaire invitée: « Facing time » : « Rops et Fabre affrontent littéralement le temps, ils voyagent dans le temps qu’ils dévoilent, questionnent et défient. Rops a déclaré « Rops suis, aultre ne veulx estre », et Fabre « Je suis un mouvement à moi tout seul ». Il s’agit clairement de deux artistes d’avant-garde qui font cavaliers seuls, créent une réalité à eux à laquelle ils croient fermement et abordent dans leurs oeuvres des problèmes et sujets universels. Ils sont tous deux des chevaliers d’une ère romantique, qui vivent selon leur horloge interne et leurs propres règles, luttent en se donnant à fond, mais font également étalage de leur vulnérabilité et preuve d’autodérision. « Facing time » parle de leur maîtrise du temps. »

jeudi 23 juillet 2015

Les monstres qui parlent

LES MONSTRES QUI PARLENT

Valérie EtterBarbara Stentz
Sous la direction de Valérie Etter & Barbara Stentz
Esthétiques
ARTS, ESTHÉTIQUE, VIE CULTURELLE BEAUX ARTS 


Quelle est la place du monstre dans les arts ? Quels sont les enjeux de sa mise en scène ? Ce livre explore les multiples visages de cette figure énigmatique en convoquant des articles émanant de disciplines multiples. Si le monstre excelle à s'exhiber, il faut savoir saisir les signes et les présages qu'il adresse. Ce que dit le monstre engage une réflexion sur le monde où nous vivons. Il bouleverse les normes établies tant au niveau artistique que social et politique.

La danse à l'écoute des nouvelles technologies


LA DANSE À L'ÉCOUTE DES NOUVELLES TECHNOLOGIES

Des prothèses numériques aux corps synesthètesJulie Talland Terradillos
Audiovisuel et communication
BEAUX ARTS DANSE SCIENCES ET TECHNIQUES 


Inscrire l'art de la danse au sein même de l'art numérique, c'est ajouter une nouvelle "écoute" à la corporéité établie. Ce livre présente les contraintes inhérentes d'une danse écrite, notée, photographiée, sensiblement fragile, vacillant dans les vagues souvenirs jusqu'à devenir une danse numérisée, capturée en intégralité par l'outil vidéo. Décrypter cette mutation dans le spectacle vivant est l'objectif de cet essai.

"Thinging with the body": un "ouvrage sur Simone Forti.

Elle est venue régulièrement en Alsace, invitée de Louis Ziegler ou par Yannick Chabeau Kergreis
Danseuse, chorégraphe, artiste et écrivain née à Florence et basée à Los Angeles, Simone Forti commence à danser en 1955 avec la pionnière de l'improvisation Anna Halprin. Arrivée à New York en 1959, Simone Forti étudie la composition et notamment le travail de John Cage au Merce Cunningham Studio avec le musicologue Robert Dunn et se familiarise aux pratiques aléatoires. Elle y rencontre Trisha Brown, Lucinda Childs, Yvonne Rainer et Steve Paxton. Elle collabore activement aux premiers happenings, notamment avec Robert Whitman, Jim Dine, Claes Oldenburg et Allan Kaprow tout en concevant ses premières constructions de danses conceptuelles d’esprit minimaliste. En 1961, elle présente ses Five Dance Constructions and Some Other Things, qui, dissolvant toute différence entre l’espace vécu et l’espace de la performance,  crée les conditions permettant aux performeurs-ses de réaliser directement des actions de la vie quotidienne, non stylisées. Elles impriment à la danse ce tournant « vers l’idée qu’une construction  génère le mouvement ou une situation » (Yvonne Rainer).
Au cours de sa prolifique carrière, Simone Forti s'est intéressée à l'étude des mouvements des animaux et à la dynamique du tournoiement ainsi qu'aux “portraits” naturels, géographiques ou historiques de lieux spécifiques qu'elle crée avec le Simone Forti & Troupe, groupe qu'elle fonde en 1986. Elle collabore avec des musiciens compositeurs parmi lesquels Charlemagne Palestine et Peter Van Riper. Depuis le début des années 1980, Simone Forti interprète des News Animations mêlant mouvements et paroles se référant à l'actualité mondiale. Lauréate de nombreux prix dont le Guggenheim Fellowship en 2005 et le Yoko Ono Lennon Award for Courage in the Arts en 2011, Simone Forti continue aujourd’hui à enseigner et à performer dans le monde entier tout en inventant des modules originaux d’exploration du mouvement. Ses créations ont été présentées au Hammer Museum à Los Angeles, au MOMA à New York, au Musée Reina Sofia à Madrid et au Louvre à Paris notamment. Une  rétrospective « en mouvement », Simone Forti. Thinking with the Body a eu lieu au Museum der Moderne Salzburg, entre juin et octobre 2014.
A lire : Simone Forti, Thinking with the Body, Ed. Breitweiser, Museum der Moderne Salzburg Mönchsberg/ Munich, Hirmer Verlag GmbH, 2014.

"Panpan sur le "Tutu" à Avinon le off !

    Au collège de la salle


Panpan sur le "TUTU" à Avignon! Tarlatane en feu!

Haro sur le tutu, feu la tarlatane avec Philippe Lafeuille pour les Chicos Mambo!
Un spectacle désopilant et fort intelligent sur les déboires du "tutu", ce costume emblématique de la danse romantique, classique par excellence!

"Le costume le plus pornographique" selon Maurice Béjart!
Eh bien ici pas de vulgarité, pas de travestissement outrageux pour évoquer avec six danseurs très performants, des univers fort variés, qui se rapprocheraient de l'utilisation de ce prestigieux costume.
Des références et citations multiples, du quatuor du "Lac des cygnes" à l'univers de Pina Bausch, tout y passe au crible et au peigne fin dans un langage chorégraphique jubilatoire, précis et très cohérent.
De l'humour, de l'audace, du toupet aussi pour faire vibrer tout un chacun, du premier au troisième degré de lecture.

Tutu couche culotte, tutu classique pour un pas de deux où par magie la danseuse soliste ou le porteur sont manipulés par des marionnettistes en noir, dissimulés pour le simulacre de figures improbables et irréalisables, décalées!Défi à la pesanteur!

Tutus robes à la Pina, tutu canards: quelle régalade, quel déferlement d'imagination!
On se régale en croyant y croiser "les bourgeois de calais" en posture, la danse de l'opéra garnier de Carpeaux et bien d'autres images qui surgissent!

Les costumes sont fringants, drôles et très avantageux: dans la séquence de la danse des canards, quatuor déboussolant, dans l'évocation des robes de Pina, avec nos danseurs emperruqués de longues chevelures aux allures flottantes...Bravo pour ce divertissement qui enchante petits et grands, intellos ou néophites avec justesse, délicatesse et doigtée!

Chic on y retournerait bien !


L'HOMME QUI PLANTAIT DES ARBRES : lecture en "temps réel", du fait "maison" !

D'après l'œuvre de Jean Giono (éditions Gallimard), par la Cie Le Bruit qu’ça coûte avec Luc Schillinger (comédien). Dessin Laurent Kohler, conception et musique Philippe Aubry.
Une adaptation atypique de la nouvelle L'homme qui plantait des arbres de Jean Giono. Un comédien, un dessinateur et un musicien plongent les spectateurs au cœur de cette œuvre majeure et parlent de cet humble berger qui va modifier son environnement pour en augmenter les bienfaits.

Une bien belle adaptation qui rayonne à la fois d'inventivité, de sobriété
Tout se fabrique en direct, en temps réel sur le plateau: c'est du fait maison, du théâtre du marché, selon les humeurs des protagonistes, de la cuisine inventive, moléculaire, fusion. 
 Ils sont trois à se partager la scène 50 minutes durant: un graphiste, dessinateur, "croqueur" de texte, un comédien, conteur, récitant et un musicien "bidouilleur" de bruits, de sons, de musique
Ensemble, ils vont créer un univers, une atmosphère alors que Luc Schillinger, déroule le texte, comédien inspiré, sobre, sans manière pour servir un texte lumineux, très d'actualité, équitable, écologique avant l'heure
On songe au film de Werner Herzog sur le photographe Sébastiao Salgado qui fit revivre sa forêt équatoriale en "plantant" des arbres, à Beuys aussi et ses "mille chênes"!

Un son végétal

Un dispositif, comme un établi pour Philippe Aubry, alchimiste du son qui se joue de petits accessoires vibrants, volants pour créer des sons voisins des craquements de bois, des envols et souffles de feuilles: tout un environnement sonore évocateur, fertile qui produit une atmosphère végétale inouïe. Musiques de "table", artisan du son, fabricant d'instruments de bric et broc forts savants!

Un graphisme en direct, à croquer




Et sous les doigts de Laurent Kohler, se dessinent des paysages du midi, de Provence, des arbres, un arbre, de noir et blanc, de couleurs bleue comme le ciel
C'est beau, en "live", il dessine et les icones sont projetées en direct sur un écran
On a envie de les revoir à la fin du spectacle, comme des témoins d'une histoire vécue
C'est le texte de Giono qui est le modèle et le peintre entretient une belle complicité dans ses "poses" vivantes, végétales comme un herbier, un arboretum vivant!

Un homme qui songe et conte ses "racines"

Luc Schillinger apparaît d'abord en ombre chinoise derrière l'écran, puis se délivre au regard, texte "en bouche" pour une mise en appétit de belle littérature provençale
Il révèle les mots, fait sourdre leurs couleurs et sonorités et rejoint alors ses compères pour un joli métissage des genres
Un genre théâtral hybride pour cette lecture foissonnante, résonnante et calligraphiée comme une partition, une chorégraphie textuelle et plastique, sonore en diable
La danse des mots ne cessera au final que par la belle échappée de Philippe Aubry au saxophone: comme une voie, comme une étincelle mélodique, comme un souffle de léger mistral sur ces beaux paysages livresques et picturaux!

Au TAPS Scala le mardi 21 Juillet 20H 30 dans le cadre de l'Eté culturel de Strasbourg

"Un grand merci pour ce que vous écrivez de notre spectacle. C'était une belle aventure sensible en trio . Nous aimerions bien sûr beaucoup le reprendre, mais c'est si difficile parfois... Votre sentiment , écrit noir sur blanc, nous aidera sans doute!...

A titre personnel, en tant qu’interprète du spectacle, j'ai la conviction que le très fin travail d'adaptation du texte par Philippe Aubry apporte une belle  nécessité à l'ensemble:

Il a créé de petites ellipses, n'a pas retenu certaines redites ....le texte, du coup, est  actif de bout en bout,dans une belle urgence, sans les notes un peu trop "familières" parfois, ou comme" explicatives".(j'ai relu le texte complet hier soir, pas fait depuis des lustres!)

Cette fine adaptation, au bénéfice de l'acteur, structure toutes les" formes" du spectacle, je trouve..."

de Luc Schillinger le 22 JUILLET 2015

mercredi 22 juillet 2015

YVANN ALEXANDRE: florilège pour Avignon off



« 3 Temps » et « Les Solis noirs » de la compagnie Yvann Alexandre au Grenier à Sel et à La Condition des Soies

Petites formes en « grande forme »
Belle surprise que de retrouver le chorégraphe au sein du off avec une opportunité de redécouvrir un langage éclairé sur les corps en mouvement.

Deux temps pour savourer une danse plurielle, écrite pour chaque interprète en de forts beaux solos, duo et ensembles fortement architecturés et façonnés en haute couture chorégraphique
Dans  « 3 Temps », 3 petites formes extraites de pièces plus longues laissent percevoir des phrasés fluides, une danse vive et inspirée des corps, morphologie et sculptures de la chair à triturer. Trois paysages sensuels, amoureux ou ludiques qui  se dévoilent en perspective, se répondent et tissent sur de très pertinents choix musicaux, une danse singulière, poétique.
« Les solis nois » à la condition des soies sont imprégnés du lieu, mur de pierre, étroitesse du plateau, petit matin


Les mains maculées de noir chacun laisse son empreinte dans l’espace, sans laisser de trace au sol, hormis à un instant où l’on s’aperçoit qu’aucun appui n’a été source de rebond.L'espace inspire la relation au sol pourtant et le miracle opère dans une contrainte à peine dessinée, lisible.Les visages aussi se maculeront de ce noir, témoignage de quelque trace néfaste, inquiétante......
C’est magique et lorsqu’ apparaît Christian Bourigault pour un solo final, taillé sur mesure, c’est toute l’histoire des sources du geste contemporain qui affleure et rappelle qu’on ne vient pas de nulle part !
Allure longiligne, port de tête altier, saveur du geste immaculé pour cet homme qui danse, griffé par la patte et la signature de Yvann Alexandre.Personnage vierge de noir, il apparaît comme un ange, un berger salvateur qui ne tentera qu'en vain de reproduire "la faute" noire sur son visage et envers l'autre! Sauveur très pasolinien que cette figure angevine! Rédemption finale, rémission des empreintes, salut par la danse et le geste qui laissent un gout de sacré dans les pensées très philosophiques ainsi générées!
 Beau programme, panorama incitant à découvrir plus en amont la recherche fertile d’un homme de strates qui fait sourdre les gestes du plus profond des corps et laisse sa patte noire imprimer de beaux « souvenirs » dans nos pensées dansantes !

"Eté danse" 2015 au CDC en Avignon : jolie moisson!

Un lieu qui résiste qui combat qui ne lâche pas malgré bien des aventures et déboires (voir actualité du CDC)...
Cet été, la météo y est fluctuante:du beau fixe au temps mitigé, mais toujours selon les dires d'un baromètre professionnel et sans faille!
La "moisson" y est donc mûre ou moins avancée mais le grain est bon!

"Cortex": exorciser les démons pour aller vers les merveilles!


Il en est de "Cortex", pièce signée de la compagnie 3637 mise en scène de Baptiste Isaia
Deux gamines vont faire éclore leur mémoire , revisiter un passé très proche pour exorciser les démons, les peurs, l'image du père: de cette "auto-psychanalyse" va ressortir un joyeux déballage de mots, faits et gestes, bordés d'une très intéressante partition musicale en live
Les ébats et évolutions des deux interprètes adolescentes, fillettes en herbe restent sympathiques et la dramaturgie faiblit parfois, faute de relance, de rebonds
La sincérité de l'engagement fait mouche et l'on songe aussi à sa propre enfance, au "passage" si délicat dans le monde des adultes.La mémoire des corps ne ment pas!

"Les portes pareilles"  de Balkis Moutashar :"Ah, les filles" ou "Au bonheur des dames"!



Duo percutant sur la femme,les femmes: les top-modèles, les girls, toutes celles qu'on aime
La chorégraphe remodèle les genres, pétrit le tout pour une évocation des figures, postures, attitudes du monde du music-hall, avec respect, recuel, distance
Les deux interprète dont la gémellité surprend s'adonnent avec malice, humour et détachement à ce jeu de dupe et l'on ressort conquis par cette fantaisie périlleuse qui joue sur le fil de l'équilibre-déséquilibre avec beaucoup de doigté!
Un cabaret de curiosité où les corps de strass et de paillettes ont l'audace de leur authenticité féminine.
Effets de perspective aussi, architecture mouvante et osmose du décor avec les sorties et entrées très "remarquées" de ces dames très respectables.

"Das Kino" de Isida Micani : tout ça pour ça!


"kinéma" kiné, c'est le mouvement  tout simplement dans son écoute étymologique.
Le spectateur est ici convié à un spectacle en 3D avec lunettes à l'appui pour éprouver un univers virtuel, un décor d'artefact où la danse va se loger. Un solo s'y glisse, celui d'un homme qui va se débattre avec son environnement de façon quelque peu laborieuse.Musique live de Spike, effets lumineux, tout parait quelque peu surfait et la magie du volume tridimentionnel n'est pas exploitée souverainement
On le regrette de plus à la vue des images finales d'une femme à l'envers, pieds au plafond qui fait enfin apparaitre un univers onirique sensible Beau et renversant, elle nous conduit dans l'antre de l'apesanteur , d'Orphée et Euridice: surtout ne vous retournez pas!

"Lowland" de Roser Lopez Espinosa :on se répand !



Une danse qui se répand, s'allonge, se fluidifie, une danse contact comme on la faisait au début de la "danse-contact" mais qui n'a pas perdu une ride. Tirés,plis et replis du tissu tendu, étirés..............
Rien de vraiment "neuf" dans cette chorégraphie harmonieuse, sensuelle et fluide: seul le plaisir devoir s'abandonner deux interprètes remarquables, dont l'attention, l'écouté et l'accueil l'un envers l'autre attestent d'une belle complicité!
Évocation du monde animal, des oiseaux à l'envergure de rêve, la danse, légère, subtile, plane dans les sphères de l'apesanteur: le rêve du danseur: quitter le sol, s'appuyer sur l'air et l'espace pour investir l'inconnu.

"Réversible" de Bouziane Bouteldja :seul ou avec d'autres?



Une confession intime du chorégraphe franco-algérien sur son histoire, son sort, ses mémoires du corps soumis, oppressé par les tutelles familiales, institutionnelles
Ca fonctionne parfois très justement quand la langue gutturale, hachée , scandée de l'Arabe vient morceler ses gestes, attitudes et fait galoper corps et pensées
Un défi quand on a encore de souvenir de l apache Hamid Ben Mahi, seul avec ses maux-mots, son hip-hop en poche qui confiait lui aussi ses confidences de corps à un public ébahi.

"FreeSteps" de Wei-Chia Su: bonnes ondes!






Magnifiques solis égrenés une heure durant où les interprètes se confondent, se succèdent dans une continuité stylistique cohérente, fluide, pleine de grâce, de volutes, de spirales et enroulés, déroulés.
La compagnie Horse de Taiwan fait son chemin, trace ici une œuvre complète, bordée de l'univers sonore de Yannick Dauby, pour le meilleur et l'on s'abandonne comme les danseurs dans une onde aux flux et reflux salvateurs pour mieux regagner les berges d'un fleuve tranquille ou d'une marée très sage.

"Théorie des prodiges" de Marcia Barcellos et Karl Biscuit : enluminures chorégraphiques


Ils savent de main de maitre mettre en scène, ravir, faire rêver, plonger le spectateur au coeur de galaxies ou d'univers étranges
Une fois de plus, Système Castafiore, loin des "systèmes" et "objets-spectacles manufacturés" nous guident dans leurs fantasmes, histoires scientifiques abracadabrantesques pour le meilleur!
Images très travaillées comme des grimoires, des glossaires d'icônes médiévales, sons et bruissements, interprétation despersonnages aux costumes enchanteurs , tout concourt à uneoeuvre singulière, unique!
Arts^mêlés, enchevétres, tricoté comme des "meilleursouvriersde france" aguéris au savoir faire maistoujours transcendant cette maitrise du spectaculaira
Un enchantement magique pour clore cette programmation très éclectique du CDC pour ce bel été chaud et caniculaire en aventures chorégraphiques!
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Les lieux de la Pensée en mouvement:la Parenthèse en Avignon le off



LA BELLE SEINE SAINT DENIS à la Parenthèse
Combat de militant pour ceux qui tiennent le flambeau et qui chaque année au cœur d’une cour privée fort agréable présentent le must de la recherche actuelle en danse contemporaine, métissée, pensante à la tête chercheuse ! Le théâtre Gérard Philippe, Louis Aragon et concordan(s)e

« Palimpseste » de Michèle Noiret


Elle revisite « solo Stockhausen » daté de 1997 et rappelle à la mémoire visuelle et corporelle qu’une œuvre évolue, avec le temps, avec les corps qui « grandissent » viennent à maturité dans leur composition, leur interprétation, leur intelligence d’une pièce qui évolue.
Michèle Noiret, une femme qui danse, simplement, de noir gainée, le corps « intact » d’une danseuse aguerrie à son art
La discipline opère et elle restitue sobrement son écriture, sa volonté de « susurrer » muette quelque chose aux yeux du spectateur :mystère, seule la musique borde cet essai. David Drouard au final l’accompagne comme pour y recevoir un acte de passation, d’adoption de l’œuvre qui ne se fera pas sous « x » mais bien dans l’intimité d’un corps à corps généreux

« L’Incognito » chorégraphie de Fabrice Lambert sur une proposition littéraire de Gaelle Obiégly

Autre formule que l’on apprécie : découvrir la suite du projet « concordan(s)e qui allie création littéraire et écriture chorégraphique, duo, duel, dialogue entre deux auteurs de la calligraphie gestuelle et sémantique.
Un tandem qui laisse ouvert une vision tranquille d’un salon qui abrite l’auteure, assise dans son fauteuil et laisse pénétrer un étrange personnage gainé de noir, cagoulé dont ne ne perçoit pas les traits, ni ne distingue quelque intention.
Enigme des gestes, des attitudes qui frôlent les mots, dictent les accents et rythment la scansion d’une écriture qui fluctue, bouge, s’incarne, se fait chair et vision
La voix off raconte, parle et laisse filer le temps qui passe.
Fabrice Lambert danse, elle pense sans mot ni mouvement. La pensé en mouvement ?

« Avec Anastasia » DE Mickael Phelippeau, avec Anastasia Moussier

C’est bien pour elle que la pièce, solo, a été conçue, taillée sur mesure : à la mesure de la personnalité joyeuse d une jeune fille-femme exubérante, drôle et pleine d’humour et de distance quant à son sort.
Elle est radieuse, flattée d’avoir été choisie et exulte
Intimité et partage, générosité de Anastasia font que l’on est vite en empathie et que ça fonctionne
Solo pour ses cheveux, danse un peu fofolle et subtile, t- shirt et décontraction, ça fait du bien d’être en sa compagnie et cet « essai », pièce en chantier se termine dans un petit bis avec le chorégraphe : percussions de table, jeu de dames où elle sort ni vaincue, ni vainqueur mais encore plus charmante, attendrissante !

La Belle Seine Saint Denis c’est la bonne scène de Terpsichore d’aujourd’hui, muse qui s’amuse mais inspire en pygmalion ceux qu’elle touche !

mardi 21 juillet 2015

AVIGNON DANSE DANS LE OFF : diverses propositions à retenir!

"RAGING BULL" par la compagnie Caliband Théâtre au Théâtre des Lucioles


Une autobiographie de Jake LaMotta, le taureau enragé du Bronx, mis en scène, dansée et mise en musique, c'est un défi qu'il fallait se donner pour faire exister un personnage hors du commun
Toutes griffes dehors, ce boxeur se raconte à travers les corps et les sons d'un comédien Mathieu Létuvé, une chorégraphie et interprétation de Frédéric Faula et une musique et sons en live de Olivier Antoncic
Quelle performance, jouée tambour battant par des interprètes de haute volée autant dans le jeu tenu du boxeur-conteur que dans les apparitions du danseur
Tous incarnant le même personnage aux multiples facettes dans un décor virtuel vidéographié, très graphique, mouvant et à l'esthétique singulière de noir et de blanc
Sa destinée est sombre, opaque, glauque et les bas fonds suggérés par une ambiance lumière sensible à la pénombre
On suit, haletant, le destin de cet homme tantôt adulé, tantôt paumé avec empathie et sympathie
Un très bon rythme enfile l'histoire qui nous tient en haleine, à bout de souffle et la performance opère!
On songe à Denis Ménochet dans son rôle du "spectre" dans le film de David Perrault "Nos héros
sont morts ce soir"

"LA CONFERENCE DES OISEAUX" de la compagnie Lamoureux au Théâtre des Lucioles


D'après la version de Jean Claude Carrière, interprétée par le danseur-comédien Pierre Lamoureux, voici une version sublimée d'un conte où les oiseaux sont rois, palabrent, discutent mais ne veulent pas quitter leur territoire malgré les sollicitations de la huppe!
Le texte est conté par un danseur et là, tout est rythme, syntaxe et phrasé joué dans des gestes tres appropriés
Jamais de mime ni d'illustration désuette pour cette belle , tendre et féroce évocation d'un monde animal, humain, trop humain
La danse est fluide, vaste, ouverte, plexus solaire au ceur de l'envergure des battements des bras, des ondoiements des hanches du danseur
Poésie, bivouac pour philosopher et grandir dans l'écoute du monde et de ses acteurs.
Un très bon moment de méditation collective!

"YOSHINORI KIKUSAWA " sur l'esplanade du Palais des Papes


Et si l'humeur vous dit sans faire votre tête de mule dans votre protectrice papa bulle, vers 20H 30 au coucher du soleil, allez surprendre le plus beau solo de danse du festival:celui de Yoshinori Kikusawa : des instants de grâce, entre capoiera, hip-hop et autres métissages!
On songe à la chanson de Bashung, "il danse".....................Les chorégraphies offrent un savant mélange de genres issu de la danse de rue, de la danse contemporaine, des arts martiaux, et de la méditation!Des mouvements dynamiques, aériens et lisses comme l'eau.

DANSE DANS LE OFF AVIGNON 2015 HIP HIP épopée! épHOPée !

Le hip-hop a la part belle dans le festival off: danse accessible, simple, ludique, inventive et festive, elle s'empare des lieux de la "danse" comme le Théâtre Golovine qui présente encore deux autres spectacles fort réussis

"ICI ET LA" de la compagnie Daruma :Ah, les filles !

Au bonheur des dames, des demoiselles pour cette création très féminine de la chorégraphe Milène Duhameau: un trio féminin plein de tonus et de poésie qui joue avec la structure et l'architecture de la salle. Appuis, bonds et rebonds, belle technique irréprochable pour un spectacle puissant et bien rythmé. Le mur est en dialogue et soutient leurs évolutions à la verticale, à l'horizontale: construction bien charpentée de trois corps arrimés solidement
Puis tout se défait pour mieux se reconstituer! Le mur partenaire en réclame.
Tenue sport, décontractée, durant 35 minutes, le flux et reflux se répand, ondoie, convainc par la légèreté, la fluidité de la gestuelle, bien incorporée en chacune d'elle!
Et quand au final, chacune invite un spectateur à devenir son partenaire, c'est les enjeux de la vie qui se dessinent et décident de la suite!

"INDEX" de la compagnie Pyramid au Théâtre Golovine : danse à l'index et à l’œil !


Faut-il les montrer du doigt, cette bande de compères, escogriffes, pieds nikelés ou rats de bibliothèque?
Ou les mettre à l'index tant ils font de gaffes, de gags à la Chaplin ou Keaton?
Harold Lloyd veille au grain sur cette tribu cocasse qui oeuvre dans une bibliothèque comme des monte en l'air, l'air de rien
Il leur arrive toutes sortes d'aventures burlesques inspirées du cinéma muet avec beaucoup d'intelligence et de justesse
C'est comique en diable et les livres délivrent leurs secrets de polichinelles avec flegme et insolence, douceur et patience
La place du livre dans notre quotidien les inspire et tout chavire sans cesse à travers le langage hip-hop, mimé où le détournement d'objets du quotidien
Une bouffée d'air frais souffle sur cette bibliothèque où quelques fantômes en enfer pourraient bien surgir des placards!

DANSE DANS LE OFF EN AVIGNON 2015 : jolie cuvée du cinquantenaire !Hip hip hop hourra!


Ça bascule!!!

"ZOOM DADA" c'est le coup de cœur au Collège de la Salle: un petit bijou dadaïste qui n'a rien à envier à "Entracte" de René Clair extrait du "Relâche" de Börlin du temps des ballets suédois!
Deux comédiens -danseurs-hip-hopeur questionnent amoureusement juchés sur un placard les affres du gestes, du mouvement, de la parade. Portraits, cadre transcendé, image triturée au menu de ce festin du burlesque revisité!

Ils sont gais et inventifs, malicieux et sereins, drôles et engagés dans le rire et le sourire comme pas d'eux ! Pas de deux inédits , cocasse en diables ils modifient l'espace très étriqué, agrandissent de leurs regards, l'univers microscopique pour un macrocosme singulier, se jouent des distances et dimentions

Créant des pêle-mêle, meli-melo et pop-up comme une chorégraphie livresque à mourir de rire
Toujours à vif, dans l'instant, les deux compères inventent une danse humoristique sans faille pour petits et grands.La chorégraphie de Stéphane Fortin du théâtre de la Bascule, interprétée par Ilias Mjouti et rafael Smadja relève le défi avec aisance et naturel!
A voir absolument pour dérider les plus septiques lors l'évolution de la mouvance hip_hop.

"LES TROIS SINGES" de la compagnie Par' allèles des frères M'Hanna au théâtre Golovine
Tonic et poétique!

Beaucoup d'invention dans le malaxage du langage hip-hop qui vraiment se lance un défi pour ne ressembler à rien du vocabulaire et glossaire que l'on reconnait à tout vent
Les trois singes sont anges et bêtes ,archanges et animaux de tout poil tant la gestuelle, les regards et la complicité des uns avec les autres opère pour le meilleur!
On admire la virtuosité des trois danseurs dont le brillant Maurin Bretagne et l'on passe une heure à communier avec le charme de la dépense physique de ces athlètes danseurs, artistes d'un langage revisité avecgrace
Un large vent de complicité et de partage souffle sur la compagnie, digne de faire figurer les droits de l'homme en ligne de mire
Les trois singes s'affranchissent des tabous et de l'entrave pour irriguer et rayonner sur scène!

"BOLERO" de la compagnie Chrysalide au Théâtre du Tremplin: dans la spirale du monde!


Un solo en hommage à la figure philosophique et physique de la spirale, celle du danseur, celle de l'univers: une conférence dansée sur la musique "spiralée" du Boléro de Ravel, interprétée par Maurin Bretagne, danseur infatigable! C'est tout à fait réussi et convainquant . Le récit d'un savant fou nous éclaire sur la figure de l'univers la plus énigmatique et qui séduisit plus d'un chorégraphe, Oscar Schlemmer entre autre dans son Ballet Triadique.

La DANSE dans le IN : turbulences multiples!

"JAMAIS ASSEZ" de Fabrice Lambert : toujours plus équitable !


Au gymnase du Lycée Aubanel, rendez_vous avec l'indisciplinaire Fabrice Lambert
Étrange source d inspiration à partir du phénomène d'enfouissement des déchets nucléaires pour le futur dans le site de Onkalo
Déclic pour le chorégraphe, un sujet de taille et de mise en ces périodes de soucis sur l'avenir écologique de notre planète
Effet choc de ce spectacle "équitable" dont l'ambiance très juste de fin du monde dans un épais brouillard opaque nous plonge devant le miroir d'une réalité qui dépasse l'entendement
Question de "terroir" de territoire à l'heure où l'on rit des vestiges des terrils et autres paysages industriels fossilisés!
C'est parfaitement cohérent, instructif sur le devenir de nos corps, de nos déplacements, de notre souffle
De quoi sera fait l'air que l'on respire, que deviendra le "souffle" de vie qui irrigue nos poumons?
Et tout le reste!
De très belles images de champignon nucléaire qui se dilue comme les fumées de Marey dans l'espace: danse sans corps, sans matière pour mieux cacher les restes et déchets, poubelles que jamais de notre siècle!
Une réflexion pertinente, un spectacle où l'on adhère à un propos lucide, fantasmé certes mais dont la dimension incendiaire nous parle à vif!

"MONUMENT O:HANTE PAR LA GUERRE (1913-2013)" de Eszter Salamon : guerre ouverte!


Dans la cour du Lycée St Joseph, la chorégraphe, danseuse et performeuse délivre ses recherches fertiles sur la notion de "monument", pas celle à laquelle on songe: monument de la pensée, réécriture de l'histoire....
Anthropologie singulière que cette galerie de portraits ethniques, des corps et masques se succèdent savamment dessinés, ouvragés, lente monstration de gestes appropriés à cette vision extraordinaire, belle et fantastique de "monstres" singuliers
Effets réussis, atmosphère installée, danses tribales isolées, esseulées comme confinées dans un conservatoire
Plus aucune notion de collectivité jusqu'à ce que la tribu se recompose et que du coup, le charme, l'impact de cette étrangeté disparaisse.Elle entame un discours politique qui ne convainc pas et le rythme s’affaisse, le propos se dilue dans le temps, redondant, répétitif;
Ses outils pour réfléchir sur l'histoire, celle de la danse aussi, sont-ils adaptés à sa volonté de créer d'autres champs de réflexion?
Les corps se meuvent et se racontent. Une scène finale où la camarde fauche les signes des tombes
aurait pu être splendide tant le danseur qui incarne cette figure longue et dégingandée, est fascinant
Mais cela traîne et se répand et la guerre laisse ses lambeaux gésir au sol sans autre forme de résurrection, de rédemption. Seul le silence est agréablement géré et crée de l'espace à ce voyage un peu étriqué.

"LE BAL DU CERCLE" de Fatou Cissé: falbalas et bla-bla.


Au Cloître des Carmes, c'est la fête à Fatou, à la femme, aux femmes, à la palabre, à la bonne humeur
C'est l'agora, le forum de la rencontre : cela se voudrait festif, ludique, partageux, contagieux
On s'attendait au vu de la note d'intention à ce que Fatou Cissé innove dans le "défilé" , le "voguing"
Le lieu du Tanebeer , pratique collective au Sénégal d'un bal excentrique voué à la joie de vivre ensemble, ressemble ici un bien poussif rassemblement de femmes éprises de frou-frou et chiffons, certes fort chatoyants et plein de tarlatane fluorescente
Plus d'une heure durant, c'est une succession de poses, de changements d'atours suspendus à des dressings penderies de rêves de stars un peu chiches.
La vacuité du propos ennuie et submerge: dommage, l'ambiance du bal du cercle n'est pas celle du petit bal perdu!A vos carnets de bal, les rendez-vous ne sont pas inscrits!

SUJETS A VIF Programme C et D : Quatre feuilles au trèfle ne portent pas toujours bonheur!


Dans le jardin de la vierge du lycée St Joseph, une seule pièce émerge,digne du pari toujours subversif de faire se rencontrer des artistes des quatre coins de la création artistique; dans ce second volet des "Sujets à Vif" initiés par la SACD, "ALLONGER LES TOITS" est un puits de bonheur où d’emblée la simple dramaturgie opère: un jeune homme blessé, immobilisé sur un lit ambulant d’hôpital rentre en scène, poussé par un "savant fou" épris de culture, de commentaires et de discours à propos de l'étrangeté du lieu, des arbres et de la situation de cet homme alité
Tandis que l'un expose dans une fébrilité compulsive ses axiomes, l'autre semble mijoter une revanche devant tant d'agitation
Et tout bascule pour laisser place à un changement de rôle pour in fine se clore et se conclure dans l'absurdité de la situation
Frédéric Ferrer y interroge les marges dans cette conférence inspirée par l'étude d'un cas de schizophrénie, alors que Simon Tanguy se meurt de ne pas pouvoir bouger, plâtré, scotché littéralement sur son lit d’hôpital
On est bluffé quand on apprend que l'interprète s'est vraiment accidenté et que tout est vrai dans ce grand leurre.Félicitations pour ce rebondissement dans l'écriture du projet, initialement pas du tout conforme à cette version si drôle, dérisoire et pleine de distance et d'humour sur le cynisme de la vie!

Citons "INTERET POUR QUOI QUE CE SOIT" de Eleanor Bauer et Veli Lehtovaara, pour l'exploration de textes savants selon un abécédaire à l'index bien charpenté, contés lors de glissades sur patins à roulettes
Quant à "ET QUAND LE SOLEIL ETAIT AU ZENITH, UNE VOIX TRANSPERCAIT LE CIEL" de Katia Guedes er Pedro Kadivar, indigente pièce plaquée sur du mutisme feint et une voix ânonnant la habanera vocalise de Ravel, on ferme les yeux
"CONTRECHAMP" fait à peu près le même effet d'agacement: une femme, Kate Moran raconte ses chagrins d'amour alors que son pianiste l'accompagne au doigt et à l’œil: pauvreté du récit de Rebecca Zlotowski et addition obligée de textes, gestes et paroles diluées.

Où est la magie, l'alchimie des rencontres, choc, osmose que l'on a pu découvrir précédemment dans "Le vif du sujet", "Le sujet à vif" et autres expériences délicates, osées, risquées, incongrues?
Il est temps de tourner la page: mais comment et pourquoi?




La DANSE dans le IN : Avignon fait son échappée belle !

Avignon, 69 ème édition...........
..Et la danse est bien présente dans la programmation "officielle" signée Olivier Py et ce jusqu'au cœur de la Cour d'Honneur du Palais des Papes avec la création de Angelin Preljocaj "Retour à Berratham".

"BARBARIANS" de Hofesh Shechter : Ode au désastre.


A la Fabrica, c'est la trilogie tectonique de Shechter qui bat son plein à propos du beau, du bon, du mal et c'est au "mal" que revient la part belle.
En prologue, six danseurs très ténus, de blanc vêtus, évoluent fort gracieusement sur une musique baroque: le beau y est souverain, fluide, presque gai. Intime, impénétrable, secret, recueilli.
La "barbarie" fait petit à petit son nid dans le deuxième volet de la pièce,dans un univers tranquille et, gainés de justaucorps très seyants, les interprètes se meuvent , physiquement engagés dans une écriture simple, basique "groove".
On en vient après un entracte au vif du sujet: les préliminaire nous préparent au pire de l'évocation en filigrane de la violence, de la bêtise humaine.Deux personnages, un "tyrolien" et une femme vont incarner toutes sortes de faux héros démoniaques du monde politique. Duo extrêmement sensible, digne de l'écriture d'une Pina Bausch, tant l'émotion sourd des corps enlacés avec une finesse ciselée de gestes fluides, lents, scintillants d'une intelligence rare.
Des donneurs d'ordre, des victimes, des sacrifiés: tout peut y être évoqué, suggéré sans tambour battant.
Un spectacle vif, jamais violent et pourtant qui fait mouche si la barbarie se dissimule insidieusement dans les attitudes, les flexions et les corps des danseurs, galvanisés par ce singulier manifeste sur l'horreur cachée des comportements animaliers de certains des dirigeants de ce monde
La musique se tient au garde à vous, signe politique, éclats de bruits et de sons, mélodies baroques: le pouvoir se niche aussi pour l'homme dont les oreilles n'ont pas de paupières pour échapper à la torture suggérée de nos dictatures. Shechter joue et gagne au jeu de l'évocation et du pouvoir des gestes, de leur sens, de leur étique.

" A mon seul désir" de Gaelle Bourges : Des lapins qui posent !


Au Collège du Lycée St Joseph, l'atmosphère est à la réflexion, à la digression sur les héros de la tapisserie de "La Dame à la Licorne"; un texte et une voix off nous introduisent dans le monde de l'amour courtois, à la manière d'une leçon de choses un peu didactique, simple et pleine d'humour sournois. Évocation d'un monde où les codes et les us et coutumes dissimulaient des pratiques érotiques et sensuelles en catimini. Des nymphes, nues nous révèlent les clefs de ces postures, attitudes, promesses de délices, de dégustation par tous les sens, des plaisirs de l'existence!
Elles sont nues, masquée à peine des effigies de ces lapins prolixes qui se reproduisent sans pause à tire larigot sur les trames et chaines de la célèbre oeuvre déposée au musée de Cluny.
Bestiaire fantastique, danse bachique, célébration de la chair pour ce spectacle hors du commun où se disent tant de choses sur le "con", cette origine du monde qui se glisse sous toutes ses formes, dans tous les inconscients.
Lapins déferlant au final comme une meute en rut pour assiéger le monde: une image très forte, violente, emblématique d'un univers à la Gaelle Bourges qui nous rappelle que nos sens posent toujours question comme le titre de la dernière tapisserie "A. Mon seul désir!"
Désir charnel pas si ambigu, que toutes ces icônes nous révèlent!

"NOTALLWHOWANDERARELOST" de Benjamin Verdonck: théâtre de carton !


A la Chapelle des Pénitents Blancs, c'est à une mise en scène très chorégraphique de petits phénomènes de carton, que Benjamin Verdonck convie au "petit matin" un parterre curieux de spectacle hors norme.
Un castelet de bois, comme une sorte d'échafaudage de poutres enchevêtrées comme lieu d'action: un cadre précis, délimité où un homme manipulateur à vue fait se mouvoir un petit monde magique de triangles de carton
A l'aide de ficelles, il pousse, il tire et fait naviguer autant de petits navires, de formes géométriques sobres, simples
Des rencontres, des heurts, des histoires d'attirance ou d'indifférence, voilà une humanité qui circule au gré de son démiurge manipulateur
Beaucoup de charme et de ravissement dans ce défilé plein d'humour, théâtre d'objets où Kleist et son traité sur la marionnette y retrouverait ses petits
Art plastique aussi, tant la pensée de Calder et ses mobiles, ou Mondrian et ses figures libres géométriques planent dans les esprits
L'épilogue est "renversant" et l'on y goûte l'identité de Verdonck, le Bazelitz du petit cube noir, la tête renversée, les pieds au plafond.
Les ficelles du spectacle, mises à nue, renvoient au chorégraphe qui se préoccupe de ses interprètes: les petits personnages triangulaires seront-ils au rendez-vous de ce suspens de carton?
A la renverse!


lundi 20 juillet 2015

A Avignon s' invente le texte- danse, le corps-texte avec "Retour à Berratham" d'Angelin Preljocaj


"Osez rencontrer ceux qu'on admire", leur écrire, prendre le téléphone et créer les plus fortes rencontres, celles que l'on désire!
Angelin Preljocaj sait écouter ses intuitions, suivre son fil d'Ariane qui se déroule au gré du temps et de l'espace comme le chemin non balisé des sentiers les plus surprenants
Seconde rencontre avec l'écrivain Laurent Mauvignier, première "fréquentation" avec le plasticien, sculpteur Adel Abdessemed et voilà qu'opère l'alchimie des disciplines.
"Étonnez-moi" disait Diaghilev à Cocteau au temps des "Ballets Russes" si contemporains aux yeux d'Angelin Preljocaj !Et naissait "Parade" en 1917....................



Une commande: un texte qui transpire le corps, le rythme, un texte musical pour la danse dans la Cour d'Honneur du Palais des Papes d'Avignon! C'est le pari du chorégraphe, celui de faire raconter aux corps la musique des mots, le rythme de la syntaxe, de distiller sons et résonances à travers les corps des danseurs. Pas de littérature au service du sens, unique, mais un opéra, "tragédie épique" avec tous les paradoxes contenus dans les genres ainsi évoqués.
Et pourquoi pas?
Pincez-moi, je rêve: le spectacle est là, existe, vibre dans une scénographie évoquant le désastre d'une guerre achevée, carrosseries de voitures renversées, carbonisées, sacs poubelles noirs, remplis des horreurs des conflits, boites de pandore de la barbarie humaine
Grillages amovibles, à claire voie cependant pour laisser pénétrer ou passer une lueur, un espoir d'espace à investir à travers les mailles des filets.
Juchés sur ces grilles, deux comédiens, une comédienne qui se trahit vite danseuse, entament la narration: une histoire, celle de Katia, femme, amante, danseuse de la vie qui ne s'est pas arrêtée ici pour autant.


Un récit épique, pas un monologue pour autant, un conte d'aujourd'hui va se matérialiser sans paraphrase deux heures durant dans la nuit, au creux des murailles du Palais.
La magie opère, sereine, corps et textes fusionnent sans se heurter: ils s'accompagnent, cheminent, racontent d'autres choses que le contenu , le sens des mots
D'autres images sont ainsi suggérées : jamais illustratives, toujours sensibles, décalées parfois.
Ils dansent, les autres, ceux qui font partie du voyage, engagés, jubilant dans une scène hypnotique et tournoyante du "mariage": costumes quasi issus du folklore balkanique ou d'ailleurs.
Berratham existe, ce coin de monde est là dans notre imaginaire, nommé, de chair et de géographie.
De strates, de matière, de terre, de sensualité
Et l'on se régale des plus beaux portés, emportée, ravissement des corps portés aux nues, duos amoureux dignes de la griffe d'Angelin Preljocaj.......Aériens, érotiques, pudiques, insensés, hors gravité et pesanteur.On songe à "Noces" dans l'oeuvre de Preljocaj quand les corps exultent, s'envolent aux nues.


Les voix s'élèvent, les corps se tendent, le chorus opère au plus profond des muscles, les interprètes jouissent de matière noble et pétrissent texte, gestes et espace avec foi et engagement
Saluons ici la noble modestie du chorégraphe, engagé, responsable et auteur d'une danse qu'il ne tient qu'à lui de toujours développer dans les plis et replis de la conscience.
La danse est un art de combat, la scène est le lieu de cette confrontation entre rêve et réalité tangible de l'indicible. Larmes blanches, peurs bleues...........
La part des anges lui appartient, elle s'élève au dessus des limbes du Palais dans des lumières crépusculaires, dans des échos dignes de la déesse de la disparition, Echo, celle qui danse l'absence, emplit l'espace d'empreintes suaves des fantaisies de Terpsichore.

"Retour à Berratham" à Avignon Cour d'Honneur du Palais des Papes 22H jusqu'au 25 Juillet