lundi 13 mars 2017

"2666": Santa Teresa, priez pour nous :une Odysée, épopée picaresque des temps modernes!


Alors embarquement immédiat pour un voyage au long cours, ce dimanche, 11 H heure de la messe du théâtre bien vivant! Communion solennelle, vêpres, garanties pour tous les spectateurs du Maillon et du TNS, rassemblés pour ce marathon salutaire, 12 H de voyage, odyssée de l'espace de l'écriture théâtrale d'aujourd'hui, roman picaresque, épopée des temps modernes!
Après les renversantes Particules élémentaires, Julien Gosselin s’attaque au roman-monde d’un auteur chilien disparu en 2003. Une œuvre monumentale brassant genres, époques, villes et personnages dans un maelström de sensations multiples. Une homérique traversée de territoires et d'époques qui a fait date. Une fresque , une plongée exceptionnelle dans une œuvre littéraire, une aventure théâtrale dont on se souviendra !
Démarrage par une "première partie", celle des critiques qui s'attachent à nous faire découvrir un certain Archimboldi, auteur fantôme qui sera la cible de ces échanges entre critiques littéraires. Sur fond de décor design, déjà envahi d'images vidéo tournées en direct et projetées simultanément, les débats et ébats érotiques vont bon train: pas de langue de bois dans ce cunnilingus théâtral, cru et nu, vif et direct qui ébranle la bienséance, d’emblée!
Entracte et déjeuner "champêtre " dans la cour du Maillon, auréolée de soleil et occupée par un food truck bien bio et équitable!
On se remet à peine de nos émotions pour une seconde partie celle "d'Amalfitano", moins tonique, plus narrative, aux images toujours omniprésentes, troublant les niveaux de perception et de lecture. "La Partie de Fate", puis "La Partie des crimes" succéderont à ce chapitre plus "reposant" pour déverser stigmates et horreurs diverses.Avec ce roman “monstrueux” (plus de mille pages !) qui plonge le lecteur de l’Europe en ruines d’hier jusqu’aux tumultes du Mexique contemporain, Roberto Bolaño tisse les fils d’un roman choral, à la puissance émotionnelle et intellectuelle rare, entremêlant polar, histoire d’amour, réalisme magique et récit de guerre avec une sidérante ambition romanesque, et posant un regard aiguisé et déroutant sur notre humaine condition. Avec 16 comédiens et des musiciens sur scène – sans oublier la vidéo afin de brasser époques et lieux –, Julien Gosselin s’attache à respecter la structure en cinq parties de l’œuvre – mais aussi sa narration foisonnante parfois proche d’une série TV avec suspense et rebondissements – tout en y infusant ses propres obsessions esthétiques. Soit les ingrédients d’un spectacle puissant et jubilatoire, généreux et titanesque, où le spectateur est invité à s’abandonner au souffle dramatique et poétique d’un geyser textuel.
On s'abandonne dans ces chapitres à la cruauté, la sexualité, l'errance des sentiments, la souffrance, la douleur aussi.Les crimes les plus sordides, ceux de femmes violées par "les huit voies", les textes que l'on lit froidement et qui défilent, nous plonge dans l'horreur, pas vraiment à distance!
Puis séquence magistrale, jouée par une comédienne hors pair où l'on croit apprendre par la genèse qui serait auteur ou victime de ces faits atroces: histoire d'une femme soumise à son destin, ascension en flèche vers la corruption et son marchandage et exploitation....
Quels univers baroques en diables, jusqu' à l'évocation du nazisme et de son fonctionemement "naturel" jusqu'à la cascade de crimes contre les juifs: de l'aveu d'un de ces protagoniste, l’enchaînement infernal des faits, en fait un héros qui "sauve" et redonne la "liberté" aux derniers chanceux survivants...
Équivoque, ambiguë cette pièce fleuve au cour pas tranquille du tout?
Va savoir comme disait Rivette! Ici les images et le cinéma, la narration séquencée, les gros plans oscillent entre écriture scénaristique cinétique et énergie du conte dramatique. Tragédie peu ortodoxe, film d'horreur, installation plastique à la Claude Lévêque, avoisinent le roman picaresque que l'on pourrait se tisser, à la lecture du roman: les yeux grands ouverts, les oreilles dilatées par la fureur du son et des bruits de fracas déchirés de la vie secouée de cette humaine condition.
Le Balzac des temps modernes nous livre ici un ouvrage, mis en scène avec les moyens des fantasmes de Gosselin bien proches de ceux de Bolano, digne des aventures dantesques d'une société multiple et dévastée!
Santa Teresa, la ville au cœur d'un "que viva mexico" à la Bunuel remporte la part belle, pour un lieu du crime parfait, sans faute dans des orgasmes majeurs vibrants de musique cathartique éprouvante en diable.

Au Maillon, avec le TNS jusqu'au 26 Mars
A LaFilature à Mulhouse le 6 Mai 2017


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