mercredi 23 novembre 2016

"Donne moi quelque chose qui ne meurt pas": à couteaux tirés ! Larmes de fond


A propos de 
"Capter partout la vie, voyager à travers les sensations, sont des constantes dans la démarche de Christophe Béranger et Jonathan Pranlas-Descours. Dans cette nouvelle création, en bascule entre gravité et légèreté, s’exprime un certain désir de renouveau, dans la jubilation du corps dansant.
Le titre de cette création, repris d’un ouvrage mariant les mots et les images, rencontre entre l’écrivain Christian Bobin et le photographe Edouard Boubat, inspire le récit lumineux des corps dansants. Le doux bruit du monde, l’évanescence du printemps mais aussi la chute de l’ange, ou encore un ciel d’épées de Damoclès, sont autant d’images qui rejoignent l’arche de sensations déployées dans Donne-moi quelque chose qui ne meurt pas. Dans cette création réalisée par le tandem chorégraphique Christophe Béranger et Jonathan Pranlas-Descours, défilent les différents visages d’un monde désenchanté, de ses violences tout comme s’esquissent des orbes de tendresse, de jeu, de joie.
Sol miroir, éclats lumineux et sonores, lumières nocturnes sous un ciel de longs couteaux. Il y a de l’urgence à dire à travers les corps. Solos et quintets, musiques et tableaux séquencés questionnent nos façons d’être ensemble. Entre pression et tension, les cinq interprètes cherchent à s’extraire des forces obscures qui les environnent. Dans cet espace en suspens surgissent des danses mystérieusement familières, aux accents populaires d’hier et d’aujourd’hui. Un chemin vers la clarté."


Ils sont à même le sol, à demi nus dans l'obscurité naissante. Les corps s'animent pour mieux faire corpus, rampant sur le dos, en ligne, chœur dansant , reptile étrange mais à l'unisson d'un territoire terrestre , terrien,à souhait. Traçant dans l'espace  à l'aide d'un savant jeu d'entrelacs de bras, comme une chaîne, des maillons d'une mécanique humaine.Engrenage en mouvement. Le moteur, l'énergie de cette danse chorale ne cessera, une heure durant, de nous pétrifier, séduire, en empathie totale avec musique et gestuelle inventive.La verticalité, l'érection des corps va subir l'autorité d'un ciel de couteaux suspendus à des cintres, couteaux, lames de fond de scène, comme un rideau à franchir sans cesse sans le heurter. Pluie de hallebardes ou de salves à la verticale?Pour sa seule et immense présence d'obstacle, de handicap, mais aussi pour la plasticité offerte de ses tranchantes et lumineuses gouttes de métal réfléchissant sous les projecteurs.
Deux musiciens en bord de scène devancent, épousent, déclenchent les mouvements de ce petit groupe, tribu ancestrale ou joyeuse bande de copains: deux femmes, trois hommes qui butinent la vie, dansent chacun leur solo, improvisés: des moments de grâce offerts tantôt en spirale tournoyante par Virginie Garcia, tantôt en courtes tétanies maniaques ou fluidité enchanteuse par Francesca Viviani. Les danseurs ont droit eux aussi à ce temps de récréation salvatrice dans ce monde très agencé: batterie, brigade dansante où le groupe fait face, franchit l'espace On songe à  "May B" de Maguy Marin quand les danseurs arpentent et frappent le sol de leurs pieds endiablés, comme possédés par la fulgurance, l'urgence d'avancer, en rang, serrés!
Des bonds à la verticale, sauts ininterrompus brossent une scène épatante où l'empathie est à son zénith: ils travaillent, à perdre haleine devant nous: la dépense physique est spectaculaire et pourtant discrète, comme leurs courses folles jubilatoires, galvanisées par les percussions, hautes en couleurs et répercutions sonores!
Quelques bribes de comptines pour éclairer nos mémoires collectives, les strates  du souvenir de l'enfance en éveil, et les voilà plonger dans un humour féroce et drôle, décapant: mimiques, chenilles, gestuelles ancestrales et rituelle
Quels univers traversons nous pour accéder au paradis, à couteaux tirés, aiguisant notre regard qui frôle les lames comme en alerte, alarmés par ses armes de toute beauté: miroir réfléchissant les faisceaux de lumière blanche sur une tribu étrange, sortie d'une jubilation contagieuse
On repart réjoui, regonflé après un échange convivial en "bord de plateau" avec les danseurs et chorégraphes, épuisés mais pas trahis par cette performance, cette perte retrouvée du tonus, de la vie: "nous sommes vivants" devant toute menace ou épée de Damoclès suspendue: si les corps se ploient devant ces obstacles c'est pour mieux se redresser dans l'allégresse et le partage.
 "Donnes moi...." est bien l'éloge ou le manifeste du mouvement, celui qui avance et draine l'énergie et la force, envahit corps et pensée dans le respect de l'autre: autant le spectateur "actif" que l'interprète se révélant ainsi à lui même et à ses propres convictions
A Pôle Sud, le 22 Novembre, l' "endroit" où se fabrique la danse actuelle à Strasbourg, où se bâtissent utopies et réalités quotidiennes d'un monde de travail chorégraphique. La vie, la vraie au tout nouveau CDC!


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